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AUGUSTIN.

mis absolument de niveau avec un financier, commis d’un contrôleur général en Gaule.

Le même Louis Racine, en condamnant justement l’abaissement de Corneille et la lâcheté du siècle d’Horace et de Virgile, relève merveilleusement un passage du Petit Carême de Massillon : « On est aussi coupable quand on manque de vérité aux rois que quand on manque de fidélité ; et on aurait dû établir la même peine pour l’adulation que pour la révolte[1]. »

Père Massillon, je vous demande pardon, mais ce trait est bien oratoire, bien prédicateur, bien exagéré. La Ligue et la Fronde ont fait, si je ne me trompe, plus de mal que les prologues de Quinault. Il n’y a pas moyen de condamner Quinault à être roué comme un rebelle. Père Massillon, est modus in rebus ; et c’est ce qui manque net à tous les faiseurs de sermons.


AUGUSTIN[2].


Ce n’est pas comme évêque, comme docteur, comme Père de l’Église, que je considère ici saint Augustin, natif de Tagaste ; c’est en qualité d’homme. Il s’agit ici d’un point de physique qui regarde le climat d’Afrique.

Il me semble que saint Augustin avait environ quatorze ans lorsque son père, qui était pauvre, le mena avec lui aux bains publics. On dit qu’il était contre l’usage et la bienséance qu’un père se baignât avec son fils[3] et Bayle même fait cette remarque[4]. Oui, les patriciens, à Rome, les chevaliers romains, ne se baignaient pas avec leurs enfants dans les étuves publiques ; mais croira-t-on que le pauvre peuple, qui allait au bain pour un liard, fût scrupuleux observateur des bienséances des riches ?

L’homme opulent couchait dans un lit d’ivoire et d’argent,

  1. Voici le texte de Massillon : « Quiconque flatte ses maîtres les trahit ; la perfidie qui les trompe est aussi criminelle que celle qui les détrône... il n’y a pas loin de la mauvaise foi du flatteur à celle du rebelle..... La même infamie qui punit la perfidie et la révolte devrait être destinée à l’adulation : la sûreté publique doit suppléer aux lois, qui ont omis de la compter parmi les grands crimes auxquels elles décernent des supplices : car il est aussi criminel d’attenter à la bonne foi des princes qu’à leur personne sacrée ; de manquer à leur égard de vérité, que de manquer de fidélité. » Sermon pour le premier dimanche de Carême, sur les tentations des grands. IIe partie.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, seconde partie, 1770. (B.)
  3. Valère Maxime, livre II, chapitre i, numéro 7. (Note de Voltaire.)
  4. Dans son Dictionnaire, au mot Augustin.