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AUGUSTE OCTAVE.

ciel, s’il régnera dans les airs, ou s’il sera le protecteur des villes, ou bien s’il acceptera l’empire des mers.

An deus immensi venias maris, ac tua nautæ
Numina sola colant, tibi serviat ultima Thule.

(Virg,, Géorg., I, 29.)

L’Arioste parle bien plus sensément, comme aussi avec plus de grâce, quand il dit, dans son admirable trente-cinquième chant, st. xxvi :

Non fu sì santo nè benigno Augusto,
Come la tuba di Virgilio suona ;
L’aver avuto in poesia buon gusto,
La proscrizione iniqua gli perdona, etc.

Tyran de son pays, et scélérat habile,
Il mit Pérouse en cendre et Rome dans les fers ;
Mais il avait du goût, il se connut en vers :
Auguste au rang des dieux est placé par Virgile.

DES CRUAUTÉS D’AUGUSTE.

Autant qu’Auguste se livra longtemps à la dissolution la plus effrénée, autant son énorme cruauté fut tranquille et réfléchie. Ce fut au milieu des festins et des fêtes qu’il ordonna des proscriptions ; il y eut près de trois cents sénateurs de proscrits, deux mille chevaliers, et plus de cent pères de famille obscurs, mais riches, dont tout le crime était dans leur fortune. Octave et Antoine ne les firent tuer que pour avoir leur argent ; et en cela ils ne furent nullement différents des voleurs de grand chemin, qu’on fait expirer sur la roue.

Octave, immédiatement avant la guerre de Pérouse, donna à ses soldats vétérans toutes les terres des citoyens de Mantoue et de Crémone. Ainsi il récompensait le meurtre par la déprédation.

Il n’est que trop certain que le monde fut ravagé, depuis l’Euphrate jusqu’au fond de l’Espagne, par un homme sans pudeur, sans foi, sans honneur, sans probité, fourbe, ingrat, avare, sanguinaire, tranquille dans le crime, et qui, dans une république bien policée, aurait péri par le dernier supplice au premier de ses crimes.

Cependant on admire encore le gouvernement d’Auguste, parce que Rome goûta sous lui la paix, les plaisirs et l’abondance.