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AUGURE.

vient des mots celtiques au et gur ? Au, selon ces savants, devait signifier le foie chez les Basques et les Bas-Breton, parce que asu, qui, disent-ils, signifiait gauche, devait aussi désigner le foie, qui est à droite ; et que gur voulait dire homme, ou bien jaune ou rouge, dans cette langue celtique dont il ne nous reste aucun monument. C’est puissamment raisonner[1].

On a poussé sa curiosité absurde (car il faut appeler les choses par leur nom) jusqu’à faire venir du chaldéen et de l’hébreu certains mots teutons et celtiques. Bochart n’y manque jamais. On admirait autrefois ces pédantes extravagances. Il faut voir avec quelle confiance ces hommes de génie ont prouvé que sur les bords du Tibre on emprunta des expressions du patois des sauvages de la Biscaye. On prétend même que ce patois était un des premiers idiomes de la langue primitive, de la langue mère de toutes les langues qu’on parle dans l’univers entier. Il ne reste plus qu’à dire que les différents ramages des oiseaux viennent du cri des deux premiers perroquets dont toutes les autres espèces d’oiseaux ont été produites.

La folie religieuse des augures était originairement fondée sur des observations très-naturelles et très-sages. Les oiseaux de passage ont toujours indiqué les saisons : on les voit venir par troupes au printemps, et s’en retourner en automne. Le coucou ne se fait entendre que dans les beaux jours, il semble qu’il les appelle ; les hirondelles qui rasent la terre annoncent la pluie ; chaque climat a son oiseau qui est en effet son augure.

Parmi les observateurs il se trouva sans doute des fripons qui persuadèrent aux sots qu’il y avait quelque chose de divin dans ces animaux, et que leur vol présageait nos destinées, qui étaient écrites sous les ailes d’un moineau tout aussi clairement que dans les étoiles.

Les commentateurs de l’histoire allégorique et intéressante de Joseph vendu par ses frères, et devenu premier ministre du pharaon roi d’Égypte pour avoir expliqué un de ses rêves, infèrent que Joseph était savant dans la science des augures, de ce que l’intendant de Joseph est chargé de dire à ses frères[2] : « Pourquoi avez-vous volé la tasse d’argent de mon maître, dans laquelle il boit, et avec laquelle il a coutume de prendre les augures ? »

  1. La première syllabe de ce mot augure est une forme contractée d’avis, oiseau. La seconde syllabe, qui avait sans doute un sens dans les idiomes antiques de l’Italie, est étrangère à tout ce qui nous reste de mots latins. (Encyclopédie nouvelle.)
  2. Genèse, chapitre xliv, v. 5 et suiv. (Note de Voltaire.)