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ABEILLES.

dans les palais des rois ». J’ignore pourquoi Salomon a oublié les abeilles, qui paraissent avoir un instinct bien supérieur à celui des lièvres, qui ne couchent point sur la pierre, à moins que ce ne soit au pays pierreux de la Palestine ; et des lézards, dont j’ignore le génie. Au surplus, je préférerai toujours une abeille à une sauterelle.

On nous mande qu’une société de physiciens pratiques, dans la Lusace, vient de faire éclore un couvain d’abeilles dans une ruche, où il est transporté lorsqu’il est en forme de vermisseau. Il croit, il se développe dans ce nouveau berceau qui devient sa patrie ; il n’en sort que pour aller sucer des fleurs : on ne craint point de le perdre, comme on perd souvent des essaims lorsqu’ils sont chassés de la mère ruche. Si cette méthode peut devenir d’une exécution aisée, elle sera très utile ; mais dans le gouvernement des animaux domestiques, comme dans la culture des fruits, il y a mille inventions plus ingénieuses que profitables. Toute méthode doit être facile pour être d’un usage commun.

De tout temps les abeilles ont fourni des descriptions, des comparaisons, des allégories, des fables, à la poésie. La fameuse fable des abeilles de Mandeville fit un grand bruit en Angleterre ; en voici un petit précis :


Les abeilles autrefois
Parurent bien gouvernées ;
Et leurs travaux et leurs rois
Les rendirent fortunées.
Quelques avides bourdons
Dans les ruches se glissèrent :
Ces bourdons ne travaillèrent,
Mais ils firent des sermons.
Ils dirent dans leur langage :
Nous vous promettons le ciel ;
Accordez-nous en partage
Votre cire et votre miel.
Les abeilles qui les crurent
Sentirent bientôt la faim ;
Les plus sottes en moururent.
Le roi d’un nouvel essaim
Les secourut à la fin.
Tous les esprits s’éclairèrent ;
Ils sont tous désabusés :
Les bourdons sont écrasés,
Et les abeilles prospèrent.