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ATHÉISME.


Objection de Maupertuis.[1]

Les physiciens modernes n’ont fait qu’étendre ces prétendus arguments, ils les ont souvent poussés jusqu’à la minutie et à l’indécence. On a trouvé Dieu dans les plis de la peau du rhinocéros : on pouvait, avec le même droit, nier son existence à cause de l’écaille de la tortue.

Réponse.

Quel raisonnement ? La tortue et le rhinocéros, et toutes les différentes espèces, prouvent également, dans leurs variétés infinies, la même cause, le même dessein, le même but, qui sont la conservation, la génération, et la mort. L’unité se trouve dans cette infinie variété ; l’écaille et la peau rendent également témoignage. Quoi ! nier Dieu parce que l’écaille ne ressemble pas à du cuir ! Et des journalistes ont prodigué à ces inepties des éloges qu’ils n’ont pas donnés à Newton et à Locke, tous deux adorateurs de la Divinité en connaissance de cause.

Objection de Maupertuis.[2]

À quoi sert la beauté et la convenance dans la construction du serpent ? Il peut, dit-on, avoir des usages que nous ignorons. Taisons-nous donc, au moins, et n’admirons pas un animal que nous ne connaissons que par le mal qu’il fait.

Réponse.

Taisez-vous donc aussi, puisque vous ne concevez pas son utilité plus que moi ; ou avouez que tout est admirablement proportionné dans les reptiles.

Il y en a de venimeux, vous l’avez été vous-même[3]. Il ne s’agit ici que de l’art prodigieux qui a formé les serpents, les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, et les bipèdes. Cet art est assez manifeste. Vous demandez pourquoi le serpent nuit. Et vous, pourquoi avez-vous nui tant de fois ? pourquoi avez-vous été persécuteur, ce qui est le plus grand des crimes pour un philosophe ?

  1. Voyez Essai de Cosmologie, par Maupertuis, partie première.
  2. Ibid.
  3. Voltaire fait allusion ici à sa querelle avec Maupertuis à Berlin.