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ATHÉISME.

c’est la base de son système. Vous ne l’avez pas lu, et il faut le lire. Pourquoi voulez-vous aller plus loin que lui, et plonger par un sot orgueil votre faible raison dans un abîme où Spinosa n’a pas osé descendre ? Sentez-vous bien l’extrême folie de dire que c’est une cause aveugle qui fait que le carré d’une révolution d’une planète est toujours au carré des révolutions des autres planètes, comme le cube de sa distance est au cube des distances des autres au centre commun ? Ou les astres sont de grands géomètres, ou l’éternel géomètre a arrangé les astres.

Mais où est l’éternel géomètre ? est-il en un lieu ou en tout lieu, sans occuper d’espace ? Je n’en sais rien. Est-ce de sa propre substance qu’il a arrangé toutes choses ? Je n’en sais rien. Est-il immense sans quantité et sans qualité ? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il faut l’adorer et être juste.

Nouvelle objection d’un athée moderne[1].

Peut-on dire que les parties des animaux soient conformées selon leurs besoins ? Quels sont ces besoins ? la conservation et la propagation. Or faut-il s’étonner que, des combinaisons infinies que le hasard a produites, il n’ait pu subsister que celles qui avaient des organes propres à la nourriture et à la continuation de leur espèce ? Toutes les autres n’ont-elles pas dû nécessairement périr ?

Réponse.

Ce discours, rebattu d’après Lucrèce, est assez réfuté par la sensation donnée aux animaux, et par l’intelligence donnée à l’homme. Comment des combinaisons que le hasard a produites produiraient-elles cette sensation et cette intelligence (ainsi qu’on vient de le dire au paragraphe précédent ? Oui, sans doute, les membres des animaux sont faits pour tous leurs besoins avec un art incompréhensible, et vous n’avez pas même la hardiesse de le nier. Vous n’en parlez plus. Vous sentez que vous n’avez rien à répondre à ce grand argument que la nature fait contre vous. La disposition d’une aile de mouche, les organes d’un limaçon, suffisent pour vous atterrer.

  1. Voyez Essai de Cosmologie, par Maupertuis, partie première.