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ASTROLOGIE.


Mais on s’aperçut qu’en rapportant des nouvelles de guerre, on était obligé de parler des véritables redoutes qui signifient en effet redoutables, et d’où l’on tire des coups de canon. Ce terme ne convenait pas aux ridotti pacifia ; on est revenu au mot assemblée, qui est le seul convenable.

On s’est quelquefois servi de celui de rendez-vous ; mais il est plus fait pour une petite compagnie, et surtout pour deux personnes.


ASTROLOGIE[1].


L’astrologie pourrait s’appuyer sur de meilleurs fondements que la magie : car si personne n’a vu ni farfadets, ni lémures, ni dives, ni péris, ni démons, ni cacodémons, on a vu souvent des prédictions d’astrologues réussir. Que de deux astrologues consultés sur la vie d’un enfant et sur la saison, l’un dise que l’enfant vivra âge d’homme, l’autre non ; que l’un annonce la pluie, et l’autre le beau temps, il est bien clair qu’il y en aura un prophète.

Le grand malheur des astrologues, c’est que le ciel a changé depuis que les règles de l’art ont été données. Le soleil, qui à l’équinoxe était dans le bélier du temps des Argonautes, se trouve aujourd’hui dans le taureau ; et les astrologues, au grand malheur de leur art, attribuent aujourd’hui à une maison du soleil ce qui appartient visiblement à une autre. Cependant ce n’est pas encore une raison démonstrative contre l’astrologie. Les maîtres de l’art se trompent ; mais il n’est pas démontré que l’art ne peut exister.

Il n’y a pas d’absurdité à dire : Un tel enfant est né dans le croissant de la lune, pendant une saison orageuse, au lever d’une telle étoile : sa constitution a été faible, et sa vie malheureuse et courte, ce qui est le partage ordinaire des mauvais tempéraments ; au contraire, celui-ci est né quand la lune est dans son plein, le soleil dans sa force, le temps serein, au lever d’une telle étoile : sa constitution a été bonne, sa vie longue et heureuse. Si ces observations avaient été répétées, si elles s’étaient trouvées justes, l’expérience eût pu, au bout de quelques milliers de siècles, former un art dont il eût été difficile de douter : on aurait pensé, avec quelque vraisemblance, que les hommes sont comme les arbres et les légumes, qu’il ne faut planter et semer que dans certaines saisons. Il n’eût servi de rien contre les astrologues de

  1. Suite des Mélanges (tome IV), 1756. (B.)