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ART DRAMATIQUE.

Verra-t-on à l’autel votre heureuse famille ?

Agamemnon.

Hélas !

Iphigénie.

Vous vous taisez !

Agamemnon.

Vous y serez, ma fille.

(Acte II, scène ii.)

Comment se peut-il faire qu’après cet arrêt de mort, qu’Iphigénie ne comprend point, mais que le spectateur entend avec tant d’émotion, il y ait encore des scènes touchantes dans le même acte, et même des coups de théâtre frappants ? C’est là, selon moi, qu’est le comble de la perfection.

Acte troisième.

Après des incidents naturels bien préparés, et qui tous concourent à redoubler le nœud de la pièce, Clytemnestre, Iphigénie, Achille, attendent dans la joie le moment du mariage ; Ériphile est présente, et le contraste de sa douleur avec l’allégresse de la mère et des deux amants ajoute à la beauté de la situation. Arcas paraît de la part d’Agamemnon ; il vient dire que tout est prêt pour célébrer ce mariage fortuné. Mais quel coup ! quel moment épouvantable !

Il l’attend à l’autel.... pour la sacrifier....

(Acte III, scène v.)

Achille, Clytemnestre, Iphigénie, Ériphile, expriment alors en un seul vers tous leurs sentiments différents, et Clytemnestre tombe aux genoux d’Achille.

Oubliez une gloire importune.
Ce triste abaissement convient à ma fortune.

 

C’est vous que nous cherchions sur ce funeste bord ;
Et votre nom, seigneur, la conduit à la mort.
Ira-t-elle, des dieux implorant la justice,
Embrasser leurs autels parés pour son supplice ?
Elle n’a que vous seul. Vous êtes en ces lieux
Son père, son époux, son asile, ses dieux.

(Acte III, scène v.)

Ô véritable tragédie ! beauté de tous les temps et de toutes les