Cléopâtre, ayant résolu de se donner la mort, fait venir un paysan qui apporte un panier sous son bras, dans lequel est l’aspic dont elle veut se faire piquer.
As-tu le petit ver du Nil, qui tue et qui ne fait point de mal ?
En vérité je l’ai ; mais je ne voudrais pas que vous y touchassiez, car sa blessure est immortelle : ceux qui en meurent n’en reviennent jamais.
Te souviens-tu que quelqu’un en soit mort ?
Oh ! plusieurs, hommes et femmes. J’ai entendu parler d’une, pas plus tard qu’hier : c’était une bien honnête femme, si ce n’est qu’elle était un peu sujette à mentir, ce que les femmes ne devraient faire que par une voie d’honnêteté. Oh ! comme elle mourut vite de la morsure de la bête ! quels tourments elle ressentit ! Elle a dit de très-bonnes nouvelles de ce ver ; mais qui croit tout ce que les gens disent ne sera jamais sauvé par la moitié de ce qu’ils font : cela est sujet à caution. Ce ver est un étrange ver.
Va-t’en, adieu.
Je souhaite que ce ver-là vous donne beaucoup de plaisir.
Adieu.
Voyez-vous, madame, vous devez penser que ce ver vous traitera de son mieux.
Bon, bon, va-t’en.
Voyez-vous, il ne faut se fier à mon ver que quand il est entre les mains des gens sages : car, en vérité, ce ver-là est dangereux.
Ne t’en mets pas en peine, j’y prendrai garde.
C’est fort bien fait : ne lui donnez rien à manger, je vous en prie ; il ne vaut, ma foi, pas la peine qu’on le nourrisse.