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ARISTOTE.

S’il avait voulu savoir ce que c’est, il n’avait qu’à lire dans Malherbe (liv. VI, stances à Duperrier) :

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est soumis à ses lois ;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend pas nos rois.

Il n’avait qu’à lire dans Racan (Ode au comte de Bussy) :

Que te sert de chercher les tempêtes de Mars,

Pour mourir tout en vie au milieu des hasards
Où la gloire te mène ?

Cette mort qui promet un si digne loyer,

N’est toujours que la mort, qu’avecque moins de peine
L’on trouve en son foyer.

Que sert à ces galants ce pompeux appareil,

Dont ils vont dans la lice éblouir le soleil
Des trésors du Pactole ?

La gloire qui les suit, après tant de travaux,

Se passe en moins de temps que la poudre qui vole
Du pied de leurs chevaux.

Il n’avait surtout qu’à lire les grands traits d’Homère, de Virgile, d’Horace, d’Ovide, etc.

Nicole écrivit contre le théâtre, dont il n’avait pas la moindre teinture, et il fut secondé par un nommé Dubois, qui était aussi ignorant que lui en belles-lettres.

Il n’y a pas jusqu’à Montesquieu, qui, dans son livre amusant des Lettres persanes[1], a la petite vanité de croire qu’Homère et Virgile ne sont rien en comparaison d’un homme qui imite avec esprit et avec succès le Siamois de Dufrény, et qui remplit son livre de choses hardies, sans lesquelles il n’aurait pas été lu. « Qu’est-ce que les poèmes épiques ? dit-il : je n’en sais rien ; je méprise les lyriques autant que j’estime les tragiques. » Il devait pourtant ne pas tant mépriser Pindare et Horace. Aristote ne méprisait point Pindare.

Descartes fit à la vérité pour la reine Christine un petit divertissement en vers, mais digne de sa matière cannelée.

Malebranche ne distinguait pas le qu’il mourût de Corneille, d’un vers de Jodelle ou de Garnier.

  1. Lettre cxxxvii.