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ARISTOTE.

perds ma cause, je ne devais vous payer qu’après l’avoir gagnée ; et si je gagne, ma demande est de ne vous point payer.

Le maître rétorquait l’argument, et disait : Si vous perdez, payez ; et si vous gagnez, payez, puisque notre marché est que vous me payerez après la première cause que vous aurez gagnée.

Il est évident que tout cela roule sur une équivoque. Aristote enseigne à la lever en mettant dans l’argument les termes nécessaires.

On ne doit payer qu’à l’échéance ;
L’échéance est ici une cause gagnée.
Il n’y a point eu encore de cause gagnée :
Donc il n’y a point eu encore d’échéance ;
Donc le disciple ne doit rien encore.

Mais encore ne signifie pas jamais. Le disciple faisait donc un procès ridicule.

Le maître, de son côté, n’était pas en droit de rien exiger, puisqu’il n’y avait pas encore d’échéance.

Il fallait qu’il attendît que le disciple eût plaidé quelque autre cause.

Qu’un peuple vainqueur stipule qu’il ne rendra au peuple vaincu que la moitié de ses vaisseaux ; qu’il les fasse scier en deux, et qu’ayant ainsi rendu la moitié juste il prétende avoir satisfait au traité, il est évident que voilà une équivoque très-criminelle.

Aristote, par les règles de sa logique, rendit donc un grand service à l’esprit humain en prévenant toutes les équivoques : car ce sont elles qui font tous les malentendus en philosophie, en théologie, et en affaires.

La malheureuse guerre de 1756 a eu pour prétexte une équivoque sur l’Acadie.

Il est vrai que le bon sens naturel et l’habitude de raisonner se passent des règles d’Aristote. Un homme qui a l’oreille et la voix juste peut bien chanter sans les règles de la musique ; mais il vaut mieux la savoir.


DE SA PHYSIQUE.


On ne la comprend guère ; mais il est plus que probable qu’Aristote s’entendait, et qu’on l’entendait de son temps. Le grec est étranger pour nous. On n’attache plus aujourd’hui aux mêmes mots les mêmes idées.