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ARISTOTE.

Pharos ; chacun d’eux fit sa traduction à part en soixante et douze jours, et toutes les traductions se trouvèrent semblables mot pour mot : c’est ce qu’on appelle la traduction des septante, et qui devrait être nommée la traduction des septante-deux.

Dès que le roi eut reçu ces livres, il les adora, tant il était bon Juif ! Chaque interprète reçut trois talents d’or, et on envoya encore au grand sacrificateur pour son parchemin dix lits d’argent, une couronne d’or, des encensoirs et des coupes d’or, un vase de trente talents d’argent, c’est-à-dire du poids d’environ soixante mille écus, avec dix robes de pourpre, et cent pièces de toile du plus beau lin.

Presque tout ce beau conte est fidèlement rapporté par l’historien Josèphe[1], qui n’a jamais rien exagéré. Saint-Justin[2] a enchéri sur Josèphe ; il dit que ce fut au roi Hérode que Ptolémée s’adressa, et non pas au grand-prêtre Éléazar. Il fait envoyer deux ambassadeurs de Ptolémée à Hérode; c’est beaucoup ajouter au merveilleux, car on sait qu’Hérode ne naquit que longtemps après le règne de Ptolémée Philadelphe.

Ce n’est pas la peine de remarquer ici la profusion d’anachronismes qui règne dans ces romans et dans tous leurs semblables, la foule des contradictions et les énormes bévues dans lesquelles l’auteur juif tombe à chaque phrase ; cependant cette fable a passé pendant des siècles pour une vérité incontestable ; et pour mieux exercer la crédulité de l’esprit humain, chaque auteur qui la citait ajoutait ou retranchait à sa manière : de sorte qu’en croyant cette aventure il fallait la croire de cent manières différentes. Les uns rient de ces absurdités dont les nations ont été abreuvées, les autres gémissent de ces impostures ; la multitude infinie des mensonges fait des Démocrites et des Héraclites.


ARISTOTE[3]


Il ne faut pas croire que le précepteur d’Alexandre, choisi par Philippe, fût un pédant et un esprit faux. Philippe était assurément un bon juge, étant lui-même très-instruit, et rival de Démosthène en éloquence.

  1. Antiquités judaïques, livre XII, c. ii.
  2. Ad Græcos Oratio, n° 13.
  3. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)