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APÔTRES.

furent composés par les premiers chrétiens, il y en a deux qui ne sont point faits par des apôtres[1].

Saint Paul n’était pas un des douze apôtres ; et cependant ce fut lui qui contribua le plus à l’établissement du christianisme. C’était le seul homme de lettres qui fût parmi eux. Il avait étudié dans l’école de Gamaliel. Festus même, gouverneur de Judée, lui reproche qu’il est trop savant ; et, ne pouvant comprendre les sublimités de sa doctrine, il lui dit[2] : « Tu es fou, Paul ; tes grandes études t’ont conduit à la folie. Insanis, Paule ; multæ te litteræ ad insaniam convertunt. »

Il se qualifie envoyé, dans sa première Épître aux Corinthiens[3] « Ne suis-je pas libre? ne suis-je pas apôtre ? n’ai-je pas vu notre Seigneur ? n’êtes-vous pas mon ouvrage en notre Seigneur ? Quand je ne serais pas apôtre à l’égard des autres, je le suis à votre égard... Sont-ils ministres du Christ ? Quand on devrait m’accuser d’impudence, je le suis encore plus. »

Il se peut en effet qu’il eût vu Jésus, lorsqu’il étudiait à Jérusalem sous Gamaliel. On peut dire cependant que ce n’était point une raison qui autorisât son apostolat. Il n’avait point été au rang des disciples de Jésus ; au contraire, il les avait persécutés ; il avait été complice de la mort de saint Étienne. Il est étonnant qu’il ne justifie pas plutôt son apostolat volontaire par le miracle que fit depuis Jésus-Christ en sa faveur, par la lumière céleste qui lui apparut en plein midi, qui le renversa de cheval, et par son enlèvement au troisième ciel.

Saint Épiphane cite des Actes des apôtres[4] qu’on croit composés par les chrétiens nommés ébionites ou pauvres, et qui furent rejetés par l’Église ; actes très-anciens à la vérité, mais pleins d’outrages contre saint Paul.

C’est là qu’il est dit que saint Paul était né à Tarsis[5] de parents idolâtres, « utroque parente gentili procreatus » ; et qu’étant venu à Jérusalem, où il resta quelque temps, il voulut épouser la fille de Gamaliel ; que dans ce dessein il se rendit prosélyte juif, et se fit circoncire ; mais que, n’ayant pas obtenu cette vierge (ou ne l’ayant pas trouvée vierge), la colère le fit écrire contre la circoncision, le sabbat, et toute la loi.

  1. Les évangélistes saint Marc et saint Luc n’étaient pas apôtres. (B.)
  2. Act., chapitre xxvi, vers. 24. (Note de Voltaire.)
  3. L. Aux Corinth., chapitre ix, vers. 1 et suivants. (Id.)
  4. Hérésies, livre XXX, paragraphe 6. (Id.)
  5. M. Renouard a fait observer que cette ville se nomme en grec Tarsós, en latin Tarsus, maintenant Tarsous, en français Tarse, et jamais Tarsis. (B.)