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APÔTRES.

saint Jude furent déférés à l’empereur Domitien[1], comme descendants de David, et ayant un droit incontestable au trône de Jérusalem. Domitien, craignant qu’ils ne se servissent de ce droit, les interrogea lui-même : ils exposèrent leur généalogie, l’empereur leur demanda quelle était leur fortune ; ils répondirent qu’ils possédaient trente-neuf arpents de terre, lesquels payaient tribut, et qu’ils travaillaient pour vivre. L’empereur leur demanda quand arriverait le royaume de Jésus-Christ : ils dirent que ce serait à la fin du monde. Après quoi Domitien les laissa aller en paix : ce qui prouverait qu’il n’était pas persécuteur.

Voilà, si je ne me trompe, tout ce qu’on sait des enfants des apôtres.

III.
Où les apôtres ont-ils vécu ? où sont-ils morts ?

Selon Eusèbe[2], Jacques surnommé le Juste, frère de Jésus-Christ, fut d’abord placé le premier sur le trône épiscopal de la ville de Jérusalem ; ce sont ses propres mots. Ainsi, selon lui, le premier évêché fut celui de Jérusalem, supposé que les Juifs connussent le nom d’évêque. Il paraissait en effet bien vraisemblable que le frère de Jésus fût le premier après lui, et que la ville même où s’était opéré le miracle de notre salut fût la métropole du monde chrétien. À l’égard du trône épiscopal, c’est un terme dont Eusèbe se sert par anticipation. On sait assez qu’alors il n’y avait ni trône ni siège.

Eusèbe ajoute, d’après saint Clément, que les autres apôtres ne contestèrent point à saint Jacques l’honneur de cette dignité. Ils l’élurent immédiatement après l’ascension. « Le Seigneur, dit-il, après sa résurrection, avait donné à Jacques surnommé le Juste, à Jean, et à Pierre, le don de la science ; » paroles bien remarquables. Eusèbe nomme Jacques le premier, Jean le second ; Pierre ne vient ici que le dernier : il semble juste que le frère et le disciple bien-aimé de Jésus passent avant celui qui l’a renié. L’Église grecque tout entière, et tous les réformateurs, demandent où est la primauté de Pierre ? Les catholiques romains répondent : S’il n’est pas nommé le premier chez les Pères de l’Église, il l’est dans les Actes des apôtres. Les Grecs et les autres répliquent qu’il

  1. Eusèbe, livre III, chapitre xx. (Note de Voltaire.)
  2. Eusèbe, livre II, chapitre i. (Id.)