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APÔTRES.

ont-ils écrit ? où sont-ils morts ? ont-ils eu un district ? ont-ils exercé un ministère civil ? avaient-ils une juridiction sur les fidèles ? étaient-ils évêques ? y avait-il une hiérarchie, des rites, des cérémonies ?

I.
Les apôtres étaient-ils mariés ?

Il existe une lettre attribuée à saint Ignace le martyr, dans laquelle sont ces paroles décisives : « Je me souviens de votre sainteté comme d’Élie, de Jérémie, de Jean-Baptiste, des disciples choisis, Timothée, Titus, Évodius, Clément, qui ont vécu dans la chasteté ; mais je ne blâme point les autres bienheureux qui ont été liés par le mariage, et je souhaite d’être trouvé digne de Dieu, en suivant leurs vestiges dans son règne, à l’exemple d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Joseph, d’Isaïe, des autres prophètes tels que Pierre et Paul, et des autres apôtres qui ont été mariés. » (Epist. ad Philadelphienses.)

Quelques savants ont prétendu que le nom de saint Paul est interpolé dans cette lettre fameuse ; cependant Turrien, et tous ceux qui ont vu les lettres de saint Ignace en latin dans la bibliothèque du Vatican, avouent que le nom de Saint Paul s’y trouve. Et Baronius[1] ne nie pas que ce passage ne soit dans quelques manuscrits grecs : « Non negamus in quibusdam græcis codicibus ; » mais il prétend que ces mots ont été ajoutés par des Grecs modernes.

Il y avait dans l’ancienne bibliothèque d’Oxford un manuscrit des lettres de saint Ignace en grec, où ces mots se trouvaient. J’ignore s’il n’a pas été brûlé avec beaucoup d’autres livres à la prise d’Oxford par Cromwell[2]. Il en reste encore un latin dans la même bibliothèque ; les mots Pauli et apostolorum y sont effacés, mais de façon qu’on peut lire aisément les anciens caractères.

Il est certain que ce passage existe dans plusieurs éditions de ces lettres. Cette dispute sur le mariage de saint Paul est peut-être assez frivole. Qu’importe qu’il ait été marié ou non, si les autres apôtres l’ont été ? Il n’y a qu’à lire sa première Épître aux Corinthiens[3] pour prouver qu’il pouvait être marié comme les autres : « N’avons-nous pas droit de manger et de boire chez

  1. 3e Baronius, anno 57, (Note de Voltaire).
  2. Voyez Cotelier, tome II, page 242. (Id.)
  3. Chapitre ix, vers. 5, 6 et 7. (Id.)