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APOCRYPHES.

la nourrir du pain de douleur et de l’eau des larmes ; et puis faites la comparaison de la prééminence de l’une ou de l’autre condition en fait de pauvreté. »

Voilà un passage de l’Apocalypse épiscopale qui n’a pas besoin de commentaires : il n’y manque qu’un ange qui vienne remplir sa coupe du vin des moines pour désaltérer les agriculteurs qui labourent, sèment et recueillent pour les monastères.

Mais ce prélat ne fit qu’une satire au lieu d’en faire un livre utile. Sa dignité lui ordonnait de dire le bien comme le mal. Il fallait avouer que les bénédictins ont donné beaucoup de bons ouvrages, que les jésuites ont rendu de grands services aux belles-lettres. Il fallait bénir les frères de la Charité, et ceux de la Rédemption des captifs. Le premier devoir est d’être juste. Camus se livrait trop à son imagination. Saint François de Sales lui conseilla de faire des romans de morale ; mais il abusa de ce conseil.


APOCRYPHES[1],


du mot grec qui signifie « caché ».


On remarque très-bien dans le Dictionnaire encyclopédique que les divines Écritures pouvaient être à la fois sacrées et apocryphes : sacrées, parce qu’elles sont indubitablement dictées par Dieu même ; apocryphes, parce qu’elles étaient cachées aux nations, et même au peuple juif.

Qu’elles fussent cachées aux nations avant la traduction grecque faite dans Alexandrie sous les Ptolémées, c’est une vérité reconnue. Josèphe l’avoue[2] dans la réponse qu’il fit à Apion, après la mort d’Apion ; et son aveu n’en a pas moins de poids, quoiqu’il prétende le fortifier par une fable. Il dit dans son histoire[3] que les livres juifs étant tous divins, nul historien, nul poëte étranger n’en avait jamais osé parler. Et immédiatement après avoir assuré que jamais personne n’osa s’exprimer sur les lois juives, il ajoute que l’historien Théopompe ayant eu seulement le dessein d’en insérer quelque chose dans son histoire, Dieu le rendit fou pendant trente jours ; qu’ensuite ayant été averti dans un songe qu’il n’était fou que pour avoir voulu connaître les choses divines, et

  1. Questions sur l’Encyclopédie, seconde partie, 1770, (B.)
  2. Livre Ier, chapitre iv. (Note de Voltaire.)
  3. Livre XII, chapitre ii. (Id.)