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APOCALYPSE.

nation : la première, que ceux qui adoraient un bœuf ne voulurent jamais contraindre ceux qui adoraient un singe à changer de religion ; la seconde, qu’ils ont fait toujours éclore des poulets dans des fours.

On vante leurs pyramides ; mais ce sont des monuments d’un peuple esclave. Il faut bien qu’on y ait fait travailler toute la nation, sans quoi on n’aurait pu venir à bout d’élever ces vilaines masses. A quoi servaient-elles ? à conserver dans une petite chambre la momie de quelque prince ou de quelque gouverneur, ou de quelque intendant, que son âme devait ranimer au bout de mille ans.

Mais s’ils espéraient cette résurrection des corps, pourquoi leur ôter la cervelle avant de les embaumer ? les Égyptiens devaient-ils ressusciter sans cervelle ?


APOCALYPSE.


SECTION PREMIÈRE[1].


Justin le martyr, qui écrivait vers l’an 270 de notre ère, est le premier qui ait parlé de l’Apocalypse ; il l’attribue à l’apôtre Jean l’Évangéliste : dans son dialogue avec Tryphon (n° 80), ce Juif lui demande s’il ne croit pas que Jérusalem doit être rétablie un jour. Justin lui répond qu’il le croit ainsi avec tous les chrétiens qui pensent juste. « Il y a eu, dit-il, parmi nous un certain personnage nommé Jean, l’un des douze apôtres de Jésus ; il a prédit que les fidèles passeront mille ans dans Jérusalem. »

Ce fut une opinion longtemps reçue parmi les chrétiens que ce règne de mille ans. Cette période était en grand crédit chez les Gentils, Les âmes des Égyptiens reprenaient leurs corps au bout de mille années ; les âmes du purgatoire, chez Virgile, étaient exercées pendant ce même espace de temps, et mille per annos[2]. La nouvelle Jérusalem de mille années devait avoir douze portes, en mémoire des douze apôtres ; sa forme devait être carrée ; sa longueur, sa largeur et sa hauteur, devaient être de douze mille stades, c’est-à-dire cinq cents lieues, de façon que les maisons devaient avoir aussi cinq cents lieues de haut. Il eût été assez désagréable de demeurer au dernier étage ; mais enfin c’est ce que dit l’Apocalypse au chapitre xxi.

  1. Dictionnaire philosophique, 1764. (B.)
  2. Æn., VI, 748.