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votre langue que dans vos livres ? Et pourquoi, en prononçant anglais et portugais, mettez-vous un o à l’un et un a à l’autre ? Pourquoi n’avez-vous pas la mauvaise habitude d’écrire portugois, comme vous avez la mauvaise habitude d’écrire anglois ? En un mot, ne paraît-il pas évident que la meilleure méthode est d’écrire toujours par a ce qu’on prononce par a[1] ?


A[2].


A, troisième personne au présent de l’indicatif du verbe avoir. C’est un défaut sans doute qu’un verbe ne soit qu’une seule lettre, et qu’on exprime il a raison, il a de l’esprit, comme on exprime il est à Paris, il est à Lyon.


.... Hodieque manent vestigia ruris.

Hor., 1. ii, ep. i, v. 100.


Il a eu choquerait horriblement l’oreille, si on n’y était pas accoutumé : plusieurs écrivains se servent souvent de cette phrase, la différence qu’il y a ; la distance qu’il y a entre eux ; est-il rien de plus languissant à la fois et de plus rude ? n’est-il pas aisé d’éviter cette imperfection du langage, en disant simplement la distance, la différence entre eux ? à quoi bon ce qu’il et cet y a, qui rendent le discours sec et diffus, et qui réunissent ainsi les plus grands défauts ?

Ne faut-il pas surtout éviter le concours de deux a ? il va à Paris, il a Antoine en aversion. Trois et quatre a sont insupportables ; il va à Amiens, et de là à Arques.

La poésie française proscrit ce heurtement de voyelles.


Gardez qu’une voyelle, à courir trop hâtée,
Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée[3].


Les Italiens ont été obligés de se permettre cet achoppement de sons qui détruisent l’harmonie naturelle, ces hiatus, ces bâille-

  1. C’est là l’orthographe, dite de Voltaire, aujourd’hui en usage. M. Beuchot en fixe la date de 1750 à 1754.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)
  3. Boileau, Art poétique, I, 107-108.