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ANGE.

Gentils feignirent que Mercure en avait aux talons ; quelquefois ils cachaient leurs ailes sous leurs vêtements. Comment n’auraient-ils pas eu de corps, puisqu’ils buvaient et mangeaient, et que les habitants de Sodome voulurent commettre le péché de la pédérastie avec les anges qui allèrent chez Loth ?

L’ancienne tradition juive, selon Ben Maimon, admet dix degrés, dix ordres d’anges. 1. Les chaios acodesh, purs, saints. 2. Les ofamin, rapides. 3. Les oralim, les forts. 4. Les chasmalim, les flammes. 5. Les séraphim, étincelles, 6. Les malakim, anges, messagers, députés. 7. Les éloim, les dieux ou juges. 8. Les ben éloim, enfants des dieux. 9. Chérubim, images. 10. Ychim, les animés.

L’histoire de la chute des anges ne se trouve point dans les livres de Moïse ; le premier témoignage qu’on en rapporte est celui du prophète Isaïe, qui, apostrophant le roi de Babylone, s’écrie[1] : « Qu’est devenu l’exacteur des tributs ? les sapins et les cèdres se réjouissent de sa chute ; comment es-tu tombé du ciel, ô Helel, étoile du matin ? » On a traduit cet Helel par le mot latin Lucifer ; et ensuite, par un sens allégorique, on a donné le nom de Lucifer au prince des anges qui firent la guerre dans le ciel ; et enfin ce nom, qui signifie phosphore et aurore, est devenu le nom du diable.

La religion chrétienne est fondée sur la chute des anges. Ceux qui se révoltèrent furent précipités des sphères qu’ils habitaient dans l’enfer au centre de la terre, et devinrent diables. Un diable tenta Ève sous la figure d’un serpent, et damna le genre humain. Jésus vint racheter le genre humain, et triompher du diable, qui nous tente encore. Cependant cette tradition fondamentale ne se trouve que dans le livre apocryphe d’Énoch, et encore y est-elle d’une manière toute différente de la tradition reçue.

Saint Augustin, dans sa cent neuvième lettre, ne fait nulle difficulté d’attribuer des corps déliés et agiles aux bons et aux mauvais anges. Le pape Grégoire Ier a réduit à neuf chœurs, à neuf hiérarchies ou ordres, les dix chœurs des anges reconnus par les Juifs.

Les Juifs avaient dans leur temple deux chérubins ayant chacun deux têtes, l’une de bœuf et l’autre d’aigle, avec six ailes. Nous les peignons aujourd’hui sous l’image d’une tête volante, ayant deux petites ailes au-dessous des oreilles. Nous peignons les anges et les archanges sous la figure de jeunes gens ayant deux

  1. Isaïe, xiv, 5, 8 et 12.