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ANGE.

sophistiquée dans les écoles : c’est tout ce qu’elles purent faire. Chaque homme eut son bon et son mauvais génie, comme chacun eut son étoile.

Est genius, natale comes qui temperat astrum.
Hor., lib. II, cp. ii, v. 187.

Socrate, comme on sait, avait un bon ange ; mais il faut que ce soit le mauvais qui l’ait conduit. Ce ne peut être qu’un très-mauvais ange qui engage un philosophe à courir de maison en maison pour dire aux gens, par demande et par réponse, que le père et la mère, le précepteur et le petit garçon, sont des ignorants et des imbéciles. L’ange gardien a bien de la peine alors à garantir son protégé de la ciguë.

On ne connaît de Marcus Brutus que son mauvais ange, qui lui apparut avant la bataille de Philippes.

SECTION II[1].

La doctrine des anges est une des plus anciennes du monde, elle a précédé celle de l’immortalité de l’âme : cela n’est pas étrange. Il faut de la philosophie pour croire immortelle l’âme de l’homme mortel ; il ne faut que de l’imagination et de la faiblesse pour inventer des êtres supérieurs à nous, qui nous protègent ou qui nous persécutent. Cependant il ne paraît pas que les anciens Égyptiens eussent aucune notion de ces êtres célestes, revêtus d’un corps éthéré, et ministres des ordres d’un Dieu. Les anciens Babyloniens furent les premiers qui admirent cette théologie. Les livres hébreux emploient les anges dès le premier livre de la Genèse ; mais la Genèse ne fut écrite que lorsque les Chaldéens étaient une nation déjà puissante, et ce ne fut même que dans la captivité à Babylone, plus de mille ans après Moïse, que les Juifs apprirent les noms de Gabriel, de Raphaël, Michael, Uriel, etc., qu’on donnait aux anges. C’est une chose très-singulière que, les religions judaïque et chrétienne étant fondées sur la chute d’Adam, cette chute étant fondée sur la tentation du mauvais ange, du diable, cependant il ne soit pas dit un seul mot dans le Pentateuque de l’existence des mauvais anges, encore moins de leur punition et de leur demeure dans l’enfer.

La raison de cette omission est évidente : c’est que les mauvais anges ne leur furent connus que dans la captivité à Baby-

  1. Voyez la note sur la section iii de l’article Abraham, page 40.