Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
ANGE.

Quoi qu’il en soit, les anges ne dirent point leur nom à Abraham ; ils ne le dirent pas même à Moïse ; et nous ne voyons le nom de Raphaël que dans Tobie, du temps de la captivité. Tous les autres noms d’anges sont pris évidemment des Chaldéens et des Perses, Raphaël, Gabriel, Uriel, etc., sont persans et babyloniens. Il n’y a pas jusqu’au nom d’Israël qui ne soit chaldéen. Le savant juif Philon le dit expressément dans le récit de sa députation vers Caligula (avant-propos).

Nous ne répéterons point ici ce qu’on a dit ailleurs[1] des anges.


savoir si les grecs et les romains admirent des anges.


Ils avaient assez de dieux et de demi-dieux pour se passer d’autres êtres subalternes. Mercure faisait les commissions de Jupiter, Iris celles de Junon ; cependant ils admirent encore des génies, des démons. La doctrine des anges gardiens fut mise en vers par Hésiode, contemporain d’Homère. Voici comme il s’explique dans le poëme des Travaux et des Jours :

Dans les temps bienheureux de Saturne et de Rhée,
Le mal fut inconnu, la fatigue ignorée ;
Les dieux prodiguaient tout : les humains satisfaits,
Ne se disputant rien, forcés de vivre en paix,
N’avaient point corrompu leurs mœurs inaltérables.
La mort, l’affreuse mort, si terrible aux coupables,
N’était qu’un doux passage, en ce séjour mortel,
Des plaisirs de la terre aux délices du ciel.
Les hommes de ces temps sont nos heureux génies,
Nos démons fortunés, les soutiens de nos vies ;
Ils veillent près de nous ; ils voudraient de nos cœurs
Écarter, s’il se peut, le crime et les douleurs, etc.

Plus on fouille dans l’antiquité, plus on voit combien les nations modernes ont puisé tour à tour dans ces mines aujourd’hui presque abandonnées. Les Grecs, qui ont si longtemps passé pour inventeurs, avaient imité l’Égypte, qui avait copié les Chaldéens, qui devaient presque tout aux Indiens. La doctrine des anges gardiens, qu’Hésiode avait si bien chantée, fut ensuite

  1. Essai sur les Mœurs, tome XI, pages 138, et 184, et dans le chapitre v de Dieu et les Hommes ; voyez les Mélanges, année 1709.