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ANCIENS ET MODERNES.

auteurs que sur nos philosophes. Il regarde Rabelais comme un grand homme. Il cite les Amours des Gaules comme un de nos meilleurs ouvrages. C’était pourtant un homme savant, un homme de cour, un homme de beaucoup d’esprit, un ambassadeur, qui avait fait de profondes réflexions sur tout ce qu’il avait vu. Il possédait de grandes connaissances : un préjugé suffit pour gâter tout ce mérite.

DE BOILEAU ET DE RACINE.

Boileau et Racine, en écrivant en faveur des anciens contre Perrault, furent plus adroits que le chevalier Temple. Ils se gardèrent bien de parler d’astronomie et de physique. Boileau s’en tient à justifier Homère contre Perrault, mais en glissant adroitement sur les défauts du poëte grec, et sur le sommeil que lui reproche Horace. Il ne s’étudie qu’à tourner Perrault, l’ennemi d’Homère, en ridicule. Perrault entend-il mal un passage, ou traduit-il mal un passage qu’il entend ? voilà Boileau qui saisit ce petit avantage, qui tombe sur lui en ennemi redoutable, qui le traite d’ignorant, de plat écrivain : mais il se pouvait très-bien faire que Perrault se fût souvent trompé, et que pourtant il eût souvent raison sur les contradictions, les répétitions, l’uniformité des combats, les longues harangues dans la mêlée, les indécences, les inconséquences de la conduite des dieux dans le poëme, enfin sur toutes les fautes où il prétendait que ce grand poëte était tombé. En un mot, Boileau se moqua de Perrault beaucoup plus qu’il ne justifia Homère.

DE L’INJUSTICE ET DE LA MAUVAISE FOI DE RACINE DANS LA DISPUTE CONTRE PERRAULT, AU SUJET D’EURIPIDE, ET DES INFIDÉLITÉS DE BRUMOY.

Racine usa du même artifice : car il était tout aussi malin que Boileau pour le moins. Quoiqu’il n’eût pas fait comme lui son capital de la satire, il jouit du plaisir de confondre ses ennemis sur une petite méprise très-pardonnable où ils étaient tombés au sujet d’Euripide, et en même temps de se sentir très-supérieur à Euripide même. Il raille autant qu’il le peut ce même Perrault et ses partisans[1] sur leur critique de l’Alceste d’Euripide, parce

  1. Préface d’Iphigénie.