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ANA, ANECDOTES.

Fleury avait été aumônier, et il m’apprit fort peu de chose. M. le maréchal de Villars m’apprit beaucoup pendant quatre ou cinq années de temps, comme vous le savez ; et je n’ai pas dit tout ce qu’il voulut bien m’apprendre.

« M. le duc d’Antin me fit part de plusieurs anecdotes, que je n’ai données que pour ce qu’elles valaient.

« M. de Torcy fut le premier qui m’apprit, par une seule ligne en marge de mes questions, que Louis XIV n’eut jamais de part à ce fameux testament du roi d’Espagne Charles II, qui changea la face de l’Europe.

« Il n’est pas permis d’écrire une histoire contemporaine autrement qu’en consultant avec assiduité et en confrontant tous les témoignages. Il y a des faits que j’ai vus par mes yeux, et d’autres par des yeux meilleurs. J’ai dit la plus exacte vérité sur les choses essentielles.

« Le roi régnant m’a rendu publiquement cette justice : je crois ne m’être guère trompé sur les petites anecdotes, dont je fais très peu de cas ; elles ne sont qu’un vain amusement. Les grands événements instruisent.

« Le roi Stanislas, duc de Lorraine, m’a rendu le témoignage authentique que j’avais parlé de toutes les choses importantes arrivées sous le règne de Charles XII, ce héros imprudent, comme si j’en avais été le témoin oculaire.

« À l’égard des petites circonstances, je les abandonne à qui voudra ; je ne m’en soucie pas plus que de l’histoire des quatre fils Aymon.

« J’estime bien autant celui qui ne sait pas une anecdote inutile que celui qui la sait.

« Puisque vous voulez être instruit des bagatelles et des ridicules, je vous dirai que votre malheureux folliculaire se trompe, quand il prétend qu’il a été joué sur le théâtre de Londres, avant d’avoir été berné sur celui de Paris par Jérôme Carré, La traduction, ou plutôt l’imitation de la comédie de l’Écossaise et de Fréron, faite par M. George Colman, n’a été jouée sur le théâtre de Londres qu’en 1766, et n’a été imprimée qu’en 1767, chez Beket et de Honte. Elle a eu autant de succès à Londres qu’à Paris, parce que par tout pays on aime la vertu des Lindane et des Freeport, et qu’on déteste les folliculaires qui barbouillent du papier et mentent pour de l’argent. Ce fut l’illustre Garrick qui composa l’épilogue. M. George Colman m’a fait l’honneur de m’envoyer sa pièce ; elle est intitulée the English Merchant.