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ANA, ANECDOTES.

les en croire aveuglément. Un lecteur sage doit, ce me semble, prononcer comme les juges : is pater est quem nuptiæ demonstrant.


ANECDOTE SUR CHARLES-QUINT.


Charles-Quint avait-il couché avec sa sœur Marguerite, gouvernante des Pays-Bas ? en avait-il eu don Juan d’Autriche, frère intrépide du prudent Philippe II ? Nous n’avons pas plus de preuve que nous n’en avons des secrets du lit de Charlemagne, qui coucha, dit-on, avec toutes ses filles. Pourquoi donc l’affirmer ? Si la sainte Écriture ne m’assurait pas que les filles de Loth eurent des enfants de leur propre père, et Thamar de son beau-père, j’hésiterais beaucoup à les en accuser. Il faut être discret.


AUTRE ANECDOTE PLUS HASARDÉE[1].


On a écrit que la duchesse de Montpensier avait accordé ses faveurs au moine Jacques Clément pour l’encourager à assassiner son roi. Il eût été plus habile de les promettre que de les donner. Mais ce n’est pas ainsi qu’on excite un prêtre fanatique au parricide : on lui montre le ciel, et non une femme. Son prieur Bourgoin était bien plus capable de le déterminer que la plus grande beauté de la terre. Il n’avait point de lettres d’amour dans sa poche quand il tua le roi, mais bien les histoires de Judith et d’Aod, toutes déchirées, toutes grasses à force d’avoir été lues.


ANECDOTE SUR HENRI IV.


Jean Chastel ni Ravaillac n’eurent aucun complice[2] ; leur crime avait été celui du temps, le cri de la religion fut leur seul complice. On a souvent imprimé que Ravaillac avait fait le voyage de Naples, et que le jésuite Alagona avait prédit dans Naples la mort du roi, comme le répète encore je ne sais quel Chiniac. Les jésuites n’ont jamais été prophètes : s’ils l’avaient été, ils auraient prédit leur destruction ; mais, au contraire, ces pauvres gens ont toujours assuré qu’ils dureraient jusqu’à la fin des siècles. Il ne faut jamais jurer de rien.

  1. Voyez Pyrrhonisme de l’histoire, chapitre XXXI.
  2. Voyez Pyrrhonisme de l’histoire, chapitre XXXIII.