Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
ÂME.

que sa cervelle n’est pas si bonne. Mais vous le supposez ; vous n’en savez rien. On n’a jamais trouvé de différences entre les cervelles saines qu’on a disséquées ; il est même très vraisemblable que le cervelet d’un sot sera en meilleur état que celui d’Archimède, qui a fatigué prodigieusement, et qui pourrait être usé et raccourci.

Concluons donc ce que nous avons déjà conclu, que nous sommes des ignorants sur tous les premiers principes. À l’égard des ignorants qui font les suffisants, ils sont fort au-dessous des singes.

Disputez maintenant, colériques argumentants ; présentez des requêtes les uns contre les autres ; dites des injures, prononcez vos sentences, vous qui ne savez pas un mot de la question.


SECTION V[1].

DU PARADOXE DE WARBURTON SUR L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME.


Warburton, éditeur et commentateur de Shakespeare et évêque de Glocester, usant de la liberté anglaise, et abusant de la coutume de dire des injures à ses adversaires, a composé quatre volumes pour prouver que l’immortalité de l’âme n’a jamais été annoncée dans le Pentateuque, et pour conclure de cette preuve même que la mission de Moïse, qu’il appelle légation, est divine. Voici le précis de son livre, qu’il donne lui-même, pages 7 et 8 du premier tome.

« 1° La doctrine d’une vie à venir, des récompenses et des châtiments après la mort, est nécessaire à toute société civile.

« 2° Tout le genre humain (et c’est en quoi il se trompe), et spécialement les plus sages et les plus savantes nations de l’antiquité, se sont accordés à croire et à enseigner cette doctrine.

« 3° Elle ne peut se trouver en aucun endroit de la loi de Moïse ; donc la loi de Moïse est d’un original divin. Ce que je vais prouver par les deux syllogismes suivants :


Premier syllogisme.


« Toute religion, toute société qui n’a pas l’immortalité de l’âme pour son principe, ne peut être soutenue que par une pro-

  1. Questions sur l’Encyclopédie, 1770. (B.)