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ÂME.


Il n’est presque point de nation qui ne se glorifie d’avoir de pareilles héroïnes ; le nombre n’en est pas grand, la nature semble avoir donné aux femmes une autre destination. On a vu, mais rarement, des femmes s’enrôler parmi les soldats. En un mot, chaque peuple a eu des guerrières ; mais le royaume des Amazones sur les bords du Thermodon n’est qu’une fiction poétique, comme presque tout ce que l’antiquité raconte.


ÂME.


SECTION PREMIÈRE[1].


C’est un terme vague, indéterminé, qui exprime un principe inconnu d’effets connus que nous sentons en nous. Ce mot âme répond à l’anima des Latins, au πνεῦμα des Grecs, au terme dont se sont servies toutes les nations pour exprimer ce qu’elles n’entendaient pas mieux que nous.

Dans le sens propre et littéral du latin et des langues qui en sont dérivées, il signifie ce qui anime. Ainsi on a dit : l’âme des hommes, des animaux, quelquefois des plantes, pour signifier leur principe de végétation et de vie. On n’a jamais eu, en prononçant ce mot, qu’une idée confuse, comme lorsqu’il est dit dans la Genèse[2] : « Dieu souffla au visage de l’homme un souffle de vie, et il devint âme vivante ; et l’âme des animaux est dans le sang ; et ne tuez point son âme, etc. »

Ainsi l’âme était prise en général pour l’origine et la cause de la vie, pour la vie même. C’est pourquoi toutes les nations connues imaginèrent longtemps que tout mourait avec le corps. Si on peut démêler quelque chose dans le chaos des histoires anciennes, il semble qu’au moins les Égyptiens furent les premiers qui distinguèrent l’intelligence et l’âme ; et les Grecs apprirent d’eux à distinguer aussi leur νοῦς et leur πνεῦμα. Les Latins, à leur exemple, distinguèrent animus et anima ; et nous, enfin, nous avons aussi eu notre âme et notre entendement. Mais ce qui est le principe de notre vie, ce qui est le principe de nos pensées, sont-ce deux choses différentes ? est-ce le même être ? Ce qui nous fait digérer et ce qui nous donne des sensations et de la mémoire ressemble-t-il à ce qui est dans les animaux la

  1. Voyez ci-après, page 132.
  2. Genèse, II, 7.