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ALEXANDRE.

monta au ciel ; mais il ne l’avait que par emprunt, elle appartenait en propre à l’ange Gabriel.

Toutes ses paroles ont été recueillies. Il disait que « la jouissance des femmes le rendait plus fervent à la prière ». En effet pourquoi ne pas dire benedicite et grâces au lit comme à table ? une belle femme vaut bien un souper. On prétend encore qu’il était un grand médecin ; ainsi il ne lui manqua rien pour tromper les hommes.


ALEXANDRE[1].


Il n’est plus permis de parler d’Alexandre que pour dire des choses neuves et pour détruire les fables historiques, physiques et morales, dont on a défiguré l’histoire du seul grand homme qu’on ait jamais vu parmi les conquérants de l’Asie.

Quand on a un peu réfléchi sur Alexandre, qui, dans l’âge fougueux des plaisirs et dans l’ivresse des conquêtes, a bâti plus de villes que tous les autres vainqueurs de l’Asie n’en ont détruit ; quand on songe que c’est un jeune homme qui a changé le commerce du monde, on trouve assez étrange que Boileau le traite de fou, de voleur de grand chemin, et qu’il propose au lieutenant de police La Reynie, tantôt de le faire enfermer, et tantôt de le faire pendre.


Heureux si de son temps, pour cent bonnes raisons,
La Macédoine eut eu des petites-maisons.

Sat. VIII, V. 109-110.


Qu’on livre son pareil en France à La Reynie,
Dans trois jours nous verrons le phénix des guerriers
Laisser sur l’échafaud sa tête et ses lauriers.

Sat. XI, V. 82-84.


Cette requête, présentée dans la cour du palais au lieutenant de police, ne devait être admise, ni selon la coutume de Paris, ni selon le droit des gens. Alexandre aurait excipé qu’ayant été élu à Corinthe capitaine général de la Grèce, et étant chargé en cette qualité de venger la patrie de toutes les invasions des Perses, il n’avait fait que son devoir en détruisant leur empire ; et

  1. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. Voltaire a déjà pris la défense d’Alexandre dans le chapitre chapitre CXLI de l’Essai sur les Mœurs. (B.)