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ALCORAN, OU LE KORAN.

C’est une grande question si l’Alcoran est éternel ou s’il a été créé ; les musulmans rigides le croient éternel.

On a imprimé à la suite de l’histoire de Chalcondyle le Triomphe de la croix ; et dans ce Triomphe il est dit que l’Alcoran est arien, sabellien, carpocratien, cerdonicien, manichéen, donatiste, origénien, macédonien, ébionite, Mahomet n’était pourtant rien de tout cela ; il était plutôt janséniste, car le fond de sa doctrine est le décret absolu de la prédestination gratuite.


SECTION II[1].


C’était un sublime et hardi charlatan que ce Mahomet, fils d’Abdalla. Il dit dans son dixième chapitre : « Quel autre que Dieu peut avoir composé l’Alcoran ? On crie : C’est Mahomet qui a forgé ce livre. Eh bien ! tâchez d’écrire un chapitre qui lui ressemble, et appelez à votre aide qui vous voudrez. » Au dix-septième il s’écrie : « Louange à celui qui a transporté pendant la nuit son serviteur du sacré temple de la Mecque à celui de Jérusalem ! » C’est un assez beau voyage, mais il n’approche pas de celui qu’il fit cette nuit même de planète en planète, et des belles choses qu’il y vit.

Il prétendait qu’il y avait cinq cents années de chemin d’une planète à une autre, et qu’il fendit la lune en deux. Ses disciples, qui rassemblèrent solennellement des versets de son Koran après sa mort, retranchèrent ce voyage du ciel. Ils craignirent les railleurs et les philosophes. C’était avoir trop de délicatesse. Ils pouvaient s’en fier aux commentateurs, qui auraient bien su expliquer l’itinéraire. Les amis de Mahomet devaient savoir par expérience que le merveilleux est la raison du peuple. Les sages contredisent en secret, et le peuple les fait taire. Mais en retranchant l’itinéraire des planètes, on laissa quelques petits mots sur l’aventure de la lune ; on ne peut pas prendre garde à tout.

Le Koran est une rapsodie sans liaison, sans ordre, sans art ; on dit pourtant que ce livre ennuyeux est un fort beau livre ; je m’en rapporte aux Arabes, qui prétendent qu’il est écrit avec une élégance et une pureté dont personne n’a approché depuis. C’est un poème, ou une espèce de prose rimée, qui contient six mille

  1. Ce morceau parut en 1748 dans le tome IV des Œuvres de Voltaire, à la suite de sa tragédie de Mahomet. En 1750, il faisait partie du tome IV ou Suite des Mélanges. (B.)