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ALCORAN, OU LE KORAN.

en une autre est une opération un peu difficile, comme, par exemple, du fer en argent, car elle demande deux choses qui ne sont guère en notre pouvoir : c’est d’anéantir le fer, et de créer l’argent.

Il y a encore des philosophes qui croient aux transmutations, parce qu’ils ont vu de l’eau devenir pierre. Ils n’ont pas voulu voir que l’eau, s’étant évaporée, a déposé le sable dont elle était chargée, et que ce sable, rapprochant ses parties, est devenu une petite pierre friable, qui n’est précisément que le sable qui était dans l’eau[1].

On doit se défier de l’expérience même. Nous ne pouvons en donner un exemple plus récent et plus frappant que l’aventure qui s’est passée de nos jours, et qui est racontée par un témoin oculaire. Voici l’extrait du compte qu’il en a rendu. « Il faut avoir toujours devant les yeux ce proverbe espagnol : De las cosas mas seguras, la mas segura es dudar ; des choses les plus sûres la plus sûre est le doute, etc.[2] »

On ne doit cependant pas rebuter tous les hommes à secrets, et toutes les inventions nouvelles. Il en est de ces virtuoses comme des pièces de théâtre : sur mille il peut s’en trouver une de bonne.

ALCORAN, ou plutôt LE KORAN.
SECTION PREMIÈRE[3].


Ce livre gouverne despotiquement toute l’Afrique septentrionale, du mont Atlas au désert de Barca, toute l’Égypte, les côtes de l’Océan éthiopien dans l’espace de six cents lieues, la Syrie, l’Asie Mineure, tous les pays qui entourent la mer Noire et la mer Caspienne, excepté le royaume d’Astracan, tout l’empire de l’Indoustan, toute la Perse, une grande partie de la Tartarie, et dans notre Europe la Thrace, la Macédoine, la Bulgarie, la Servie, la Bosnie, toute la Grèce, l’Épire, et presque toutes les îles jusqu’au petit détroit d’Otrante, où finissent toutes ces immenses possessions.

Dans cette prodigieuse étendue de pays il n’y a pas un seul

  1. Expérience de Boerhaave, qui fut complétée par Lavoisier.
  2. Voyez dans les Singularités de la nature (Mélanges, 1768), chapitre XXVIII, D’un homme qui faisait du salpêtre.
  3. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)