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AIR.

d’hiver, est entouré d’une atmosphère mille fois moins considérable que notre globe n’est pénétré et environné de la matière de sa propre transpiration.

Cette transpiration, ces exhalaisons, ces vapeurs innombrables, s’échappent sans cesse par des pores innombrables, et ont elles-mêmes des pores. C’est ce mouvement continu en tous sens qui forme et qui détruit sans cesse végétaux, minéraux, métaux, animaux.

C’est ce qui a fait penser à plusieurs que le mouvement est essentiel à la matière, puisqu’il n’y a pas une particule dans laquelle il n’y ait un mouvement continu. Et si la puissance formatrice éternelle, qui préside à tous les globes, est l’auteur de tout mouvement, elle a voulu du moins que ce mouvement ne pérît jamais. Or ce qui est toujours indestructible a pu paraître essentiel, comme l’étendue et la solidité ont paru essentielles. Si cette idée est une erreur, elle est pardonnable, car il n’y a que l’erreur malicieuse et de mauvaise foi qui ne mérite pas d’indulgence.

Mais qu’on regarde le mouvement comme essentiel ou non, il est indubitable que les exhalaisons de notre globe s’élèvent et retombent sans aucun relâche à un mille, à deux milles, à trois milles au-dessus de nos têtes. Du mont Atlas à l’extrémité du Taurus, tout homme peut voir tous les jours les nuages se former sous ses pieds. Il est arrivé mille fois à des voyageurs d’être au-dessus de l’arc-en-ciel, des éclairs et du tonnerre.

Le feu répandu dans l’intérieur du globe, ce feu caché dans l’eau et dans la glace même, est probablement la source impérissable de ces exhalaisons, de ces vapeurs dont nous sommes continuellement environnés. Elles forment un ciel bleu dans un temps serein, quand elles sont assez hautes et assez atténuées pour ne nous envoyer que des rayons bleus, comme les feuilles de l’or amincies, exposées aux rayons du soleil dans la chambre obscure. Ces vapeurs, imprégnées de soufre, forment les tonnerres et les éclairs. Comprimées et ensuite dilatées par cette compression dans les entrailles de la terre, elles s’échappent en volcans, forment et détruisent de petites montagnes, renversent des villes, ébranlent quelquefois une grande partie du globe.

Cette mer de vapeurs dans laquelle nous nageons, qui nous menace sans cesse, et sans laquelle nous ne pourrions vivre, comprime de tous côtés notre globe et ses habitants avec la même force que si nous avions sur notre tête un océan de trente-deux pieds de hauteur ; et chaque homme en porte environ vingt mille livres.