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AIR.

contrée la plus délicieuse et la plus fertile de la terre, cultivait une campagne qui lui rendait cent pour cent.

Il ne savait pas qu’un terrain qui ne rendrait que cent pour cent, non seulement ne payerait pas un seul des frais de la culture, mais ruinerait pour jamais le laboureur. Il faut, pour qu’un domaine puisse donner un léger profit, qu’il rapporte au moins cinq cents pour cent. Heureux Parisiens, jouissez de nos travaux, et jugez de l’opéra-comique[1] !


AIR.
SECTION PREMIÈRE[2].


On compte quatre éléments, quatre espèces de matière, sans avoir une notion complète de la matière. Mais que sont les éléments de ces éléments ? L’air se change-t-il en feu, en eau, en terre ? Y a-t-il de l’air ?

Quelques philosophes en doutent encore ; peut-on raisonnablement en douter avec eux ? On n’a jamais été incertain si on marche sur la terre, si on boit de l’eau, si le feu nous éclaire, nous échauffe, nous brûle. Nos sens nous en avertissent assez ; mais ils ne nous disent rien sur l’air. Nous ne savons point par eux si nous respirons les vapeurs du globe ou une substance différente de ces vapeurs. Les Grecs appelèrent l’enveloppe qui nous environne atmosphère, la sphère des exhalaisons ; et nous avons adopté ce mot. Y a-t-il parmi ces exhalaisons continuelles une autre espèce de matière qui ait des propriétés différentes[3].

[4] Les philosophes qui ont nié l’existence de l’air disent qu’il est inutile d’admettre un être qu’on ne voit jamais, et dont tous les effets s’expliquent si aisément par les vapeurs qui sortent du sein de la terre.

Newton a démontré que le corps le plus dur a moins de matière que de pores. Des exhalaisons continuelles s’échappent en foule de toutes les parties de notre globe. Un cheval jeune et vigoureux, ramené tout en sueur dans son écurie en temps

  1. Voyez Bled ou Blé. (Note de Voltaire.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)
  3. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)
  4. Ce paragraphe et les neuf suivants sont extraits des Singularités de la nature, chapitre xxxi. Voyez Mélanges, année 1768.