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AGRICULTURE.

Enfin on ne peut employer les chevaux que dans les pays où l’avoine est à très-bon marché, et c’est pourquoi il y a toujours quatre à cinq fois moins de culture par les chevaux que par les bœufs.


DES DÉFRICHEMENTS.


À l’article Défrichement, on ne compte pour défrichement que les herbes inutiles et voraces que l’on arrache d’un champ pour le mettre en état d’être ensemencé.

L’art de défricher ne se borne pas à cette méthode usitée et toujours nécessaire. Il consiste à rendre fertiles des terres ingrates qui n’ont jamais rien porté. Il y en a beaucoup de cette nature, comme des terrains marécageux ou de pure terre à brique, à foulon, sur laquelle il est aussi inutile de semer que sur des rochers. Pour les terres marécageuses, ce n’est que la paresse et l’extrême pauvreté qu’il faut accuser si on ne les fertilise pas.

Les sols purement glaiseux ou de craie, ou simplement de sable, sont rebelles à toute culture. Il n’y a qu’un seul secret, c’est celui d’y porter de la bonne terre pendant des années entières. C’est une entreprise qui ne convient qu’à des hommes très riches ; le profit n’en peut égaler la dépense qu’après un très long temps, si même il peut jamais en approcher. Il faut, quand on y a porté de la terre meuble, la mêler avec la mauvaise, la fumer beaucoup, y reporter encore de la terre, et surtout y semer des graines qui, loin de dévorer le sol, lui communiquent une nouvelle vie.

Quelques particuliers ont fait de tels essais ; mais il n’appartiendrait qu’à un souverain de changer ainsi la nature d’un vaste terrain en y faisant camper de la cavalerie, laquelle y consommerait les fourrages tirés des environs. Il y faudrait des régiments entiers. Cette dépense se faisant dans le royaume, il n’y aurait pas un denier de perdu, et on aurait à la longue un grand terrain de plus qu’on aurait conquis sur la nature. L’auteur de cet article a fait cet essai en petit, et a réussi.

Il en est d’une telle entreprise comme de celle des canaux et des mines. Quand la dépense d’un canal ne serait pas compensée par les droits qu’il rapporterait, ce serait toujours pour l’État un prodigieux avantage.

Que la dépense de l’exploitation d’une mine d’argent, de cuivre, de plomb ou d’étain, et même de charbon de terre, excède le produit, l’exploitation est toujours très utile : car l’argent