Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
SUITE DES FOLIES.


enfin l’évêque de Troyes, qui rendait son zèle ridicule par une vie scandaleuse, et qui était accablé de dettes, fut enfermé chez des moines en Alsace, et obligé de se démettre de son évêché.

Le roi avait ordonné le silence sur toutes les affaires ecclésiastiques, et personne ne le gardait.

La Sorbonne, autrefois janséniste, et alors constitutionnaire, ayant soutenu des thèses contraires aux maximes du royaume, le parlement ordonna que le doyen, le syndic, six anciens docteurs et professeurs en théologie, viendraient avec le scribe de la faculté et avec les registres. Ils furent réprimandés, leurs conclusions biffées ; ordre à eux de se taire, suivant la déclaration du roi.

La Sorbonne prétendit[1] que c’était le parlement qui contrevenait à la loi du silence, puisqu’il ne se taisait pas sur ce qui se passait dans l’intérieur des écoles de Sorbonne. Le parlement ayant fait défense à ces docteurs de s’assembler, ils dirent qu’ils discontinueraient leurs leçons comme le parlement avait interrompu ses séances. Il fallut les contraindre par un arrêt de faire leurs leçons. Le ridicule se mêlait toujours nécessairement à ces querelles.

L’année 1755 se passa tout entière dans ces petites disputes, dont la nation commençait à se lasser. Il s’ouvrait une plus grande scène. On était menacé de cette fatale guerre dans laquelle l’Angleterre a enlevé au roi de France tout ce qu’il possédait dans le continent de l’Amérique septentrionale[2], a détruit toutes ses flottes, et a ruiné le commerce des Français aux grandes Indes et en Afrique. Il fallait de l’argent pour se préparer à cette guerre. Les finances avaient été très-mal administrées. L’usage ne permettait pas qu’on créât des impôts sans qu’ils fussent enregistrés au parlement. C’était le temps de faire sentir qu’il se souvenait de son exil. Le roi, après avoir protégé ce corps contre les évêques constitutionnaires, les protégeait alors contre le parlement : tant les choses changent aisément à la cour ! Une assemblée du clergé, en 1756, avait porté de grandes plaintes contre les parlements du royaume, et paraissait écoutée. De plus, le roi prenait alors le parti du grand conseil contre le parlement de Paris, qui lui contestait sa juridiction. L’embarras de la cour à soutenir la guerre prochaine rendait les esprits plus altiers et plus difficiles.

Le parlement tourna contre le grand conseil toutes ses batte-

  1. 6 mai 1755. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez, dans les Mélanges, année 1773, le chapitre Ier des Fragments sur l’Inde, etc. ; et tome XV, le chapitre XXXV du Précis du Siècle de Louis XV.