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CHAPITRE LX.


pas même assez instruit pour relever les méprises du parlement. Ce corps ne dit point ce qu’il devait dire, et le régent ne répondit point ce qu’il devait répondre.

Le parlement ne se contenta pas de cette réponse ; les murmures de presque tous les gens sensés contre Lass l’aigrissaient, et quelques-uns de ses membres étaient animés par la faction de la duchesse du Maine, du cardinal de Polignac, et de quelques autres mécontents.

Le lendemain[1], les chambres assemblées, au nombre de cent soixante et cinq membres, rendirent un arrêt par lequel elles défendirent d’obéir à l’édit du roi.

Le régent se contenta de casser cet arrêt, comme attentatoire à l’autorité royale, et de poster deux compagnies des gardes à l’hôtel de la Monnaie. Il souffrit même encore qu’une députation du parlement vînt faire des remontrances à la personne du roi. Sept présidents et trente-deux conseillers allèrent au Louvre. On croyait que cette marche animerait le peuple ; mais personne ne s’assembla seulement pour les voir passer.

Paris n’était occupé que du jeu des actions auquel Lass le faisait jouer ; et la populace, qui croyait réellement faire un gain lorsqu’on lui disait que quatre francs en valaient six, s’empressait à l’hôtel des Monnaies, et laissait le parlement aller faire au roi des remontrances inutiles.

Lass, qui avait réuni à la banque la compagnie d’Occident, y réunit encore la ferme du tabac, qui lui valait beaucoup.

Le parlement osa défendre[2] aux receveurs des deniers royaux de porter l’argent à la banque. Il renouvela ses anciens arrêts contre les étrangers employés dans les finances de l’État. Enfin il décréta d’ajournement personnel le sieur Lass, et ensuite de prise de corps.

Le duc d’Orléans[3] prit alors le parti de faire tenir au roi un lit de justice au palais des Tuileries. La maison du roi prit les armes, et entoura le Louvre. Il fut ordonné au parlement d’arriver à pied et en robes rouges. Ce lit de justice fut mémorable : on commença par faire enregistrer les lettres patentes du garde des sceaux, que le parlement n’avait pas voulu jusque-là recevoir. M. d’Argenson ouvrit ensuite la séance par un discours dont voici les paroles les plus remarquables :

  1. 20 juin 1718. (Note de Voltaire.)
  2. 12 août 1718. (Id.)
  3. 20 août 1718. (Id.)