Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
RÉGENCE DU DUC D’ORLÉANS.


« Mais à quelque titre que je doive aspirer à la régence, dit-il, j’ose vous assurer, messieurs, que je la mériterai par mon zèle pour le service du roi, par mon amour pour le bien public, et surtout étant aidé de vos conseils et de vos sages remontrances. »

C’était flatter le parlement que de lui protester qu’on se conduirait par ces mêmes remontrances que Louis XIV avait proscrites, en permettant seulement qu’on en fit par écrit après avoir obéi. Le testament fut lu à voix basse, rapidement, et seulement pour la forme. Il ôtait réellement la régence au duc d’Orléans. Louis XIV avait établi un conseil d’administration, où tout devait se conclure à la pluralité des voix, comme s’il eût formé un conseil d’État de son vivant et comme s’il devait régner après sa mort. Le duc d’Orléans, à la tête de ce conseil, ne devait avoir que la voix prépondérante. Le duc du Maine, fils de Louis XIV, reconnu à la vérité, mais né d’un double adultère[1], avait la garde de la personne du roi Louis XV, et le commandement suprême de toutes les troupes qui forment la maison du roi, et qui composent un corps d’environ dix mille hommes.

Ces dispositions eussent été sages dans un père de famille qui aurait craint de confier la vie et les biens de son petit-fils à celui qui devait en hériter ; mais elles étaient impraticables dans une monarchie. Elles divisaient l’autorité, par conséquent l’anéantissaient ; elles semblaient préparer des guerres civiles ; elles étaient contraires aux usages reçus, qui tenaient lieu de loi fondamentale, s’il y en a sur terre.

Le parlement rendit un arrêt qui était déjà tout préparé. Il est conçu en termes singuliers. Ce n’est point un jugement, parties ouïes, point de requête, point de forme ordinaire, rien de contentieux. « La cour, toutes les chambres assemblées, la matière mise en délibération, a déclaré et déclare monsieur le duc d’Orléans régent en France, pour avoir soin de l’administration du royaume pendant la minorité du roi ; ordonne que le duc de Bourbon sera dès à présent chef du conseil de régence sous l’autorité de monsieur le duc d’Orléans, et y présidera en son absence ; que les princes du sang royal auront aussi entrée audit conseil, lorsqu’ils auront atteint l’âge de vingt-trois ans accomplis ; et après la déclaration faite par monsieur le duc d’Orléans qu’il entend se conformer à la pluralité des suffrages dudit conseil de la régence dans toutes les affaires (à l’exception des charges,

  1. Sa mère était Mme de Montespan.