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SECONDE PARTIE. — CHAPITRE XV.


faibles efforts contre la Suède, plutôt pour la forcer à acheter la paix par la cession des provinces qu’il avait conquises que pour achever de l’accabler.

Déjà l’activité du baron de Görtz avait obtenu du czar qu’il envoyât des plénipotentiaires dans l’île d’Aland pour traiter de cette paix. L’Écossais Bruce, grand-maître d’artillerie en Russie, et le célèbre Osterman, qui depuis fut à la tête des affaires, arrivèrent au congrès précisément dans le temps qu’on arrêtait le czarovitz dans Moscou. Görtz et Gyllenborg étaient déjà au congrès de la part de Charles XII, tous deux impatients d’unir ce prince avec Pierre, et de se venger du roi d’Angleterre. Ce qui était étrange, c’est qu’il y avait un congrès et point d’armistice. La flotte du czar croisait toujours sur les côtes de Suède, et faisait des prises : il prétendait, par ces hostilités, accélérer la conclusion d’une paix si nécessaire à la Suède, et qui devait être si glorieuse à son vainqueur.

Déjà, malgré les petites hostilités qui duraient encore, toutes les apparences d’une paix prochaine étaient manifestes. Les préliminaires étaient des actions de générosité qui font plus d’effet que des signatures. Le czar renvoya sans rançon le maréchal Rehnsköld, que lui-même avait fait prisonnier ; et le roi de Suède rendit de même les généraux Trubletskoy et Gollovin, prisonniers en Suède depuis la journée de Narva.

Les négociations avançaient ; tout allait changer dans le Nord. Görtz proposait au czar l’acquisition du Mecklenbourg. Le duc Charles, qui possédait ce duché, avait épousé une fille du czar Ivan, frère aîné de Pierre. La noblesse de son pays était soulevée contre lui. Pierre avait une armée dans le Mecklenbourg, et prenait le parti du prince, qu’il regardait comme son gendre. Le roi d’Angleterre, électeur d’Hanovre, se déclarait pour la noblesse : c’était encore une manière de mortifier le roi d’Angleterre, en assurant le Mecklenbourg à Pierre, déjà maître de la Livonie, et qui allait devenir plus puissant en Allemagne qu’aucun électeur. On donnait en équivalent au duc de Mecklenbourg le duché de Courlande et une partie de la Prusse, aux dépens de la Pologne, à laquelle on rendait le roi Stanislas. Brême et Verden devaient revenir à la Suède ; mais on ne pouvait en dépouiller le roi George Ier que par la force des armes. Le projet de Gortz était donc, comme on l’a déjà dit[1], que Pierre et Charles XII, unis non-seulement par la paix, mais par une alliance offensive, envoyassent

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