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DU COMMERCE.


Tamerlan eut conquis, sur la fin du xive siècle, la Chersonèse taurique, appelée depuis la Crimée, lorsque les Turcs furent maîtres d’Azof, cette grande branche du commerce du monde fut anéantie. Pierre avait voulu la faire revivre en se rendant maître d’Azof. La malheureuse campagne du Pruth lui fit perdre cette ville, et avec elle toutes les vues du commerce par la mer Noire : il restait à s’ouvrir la voie d’un négoce non moins étendu par la mer Caspienne. Déjà dans le xvie siècle, et au commencement du xviie, les Anglais, qui avaient fait naître le commerce à Archangel, l’avaient tenté sur la mer Caspienne ; mais toutes ces épreuves furent inutiles.

Nous avons déjà dit[1] que le père de Pierre le Grand avait fait bâtir un vaisseau par un Hollandais, pour aller trafiquer d’Astracan sur les côtes de la Perse : le vaisseau fut brûlé par le rebelle Stenko-Rasin. Alors toutes les espérances de négocier en droiture avec les Persans s’évanouirent. Les Arméniens, qui sont les facteurs de cette partie de l’Asie, furent reçus par Pierre le Grand dans Astracan ; on fut obligé de passer par leurs mains, et de leur laisser tout l’avantage du commerce ; c’est ainsi que dans l’Inde on en use avec les Banians, et que les Turcs, ainsi que beaucoup d’États chrétiens, en usent encore avec les Juifs : car ceux qui n’ont qu’une ressource se rendent toujours très-savants dans l’art qui leur est nécessaire ; les autres peuples deviennent volontairement tributaires d’un savoir-faire qui leur manque.

Pierre avait déjà remédié à cet inconvénient en faisant un traité avec l’empereur de Perse, par lequel toute la soie qui ne serait pas destinée aux manufactures persanes serait livrée aux Arméniens d’Astracan, pour être par eux transportée en Russie.

Les troubles de la Perse détruisirent bientôt cet arrangement. Nous verrons comment le sha ou empereur persan Hussein, persécuté par des rebelles, implora l’assistance de Pierre, et comment Pierre, après avoir soutenu des guerres si difficiles contre les Turcs et contre les Suédois, alla conquérir trois provinces de Perse ; mais il n’est ici question que du commerce.

DU COMMERCE AVEC LA CHINE.

L’entreprise de négocier avec la Chine semblait devoir être la plus avantageuse. Deux États immenses qui se touchent, et dont

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