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CONDAMNATION D’ALEXIS PÉTROVITZ.


son père, qu’il avait levé des troupes, qu’il se retirait chez un prince naturellement ennemi de Charles XII, et qu’il ne revint jamais à sa cour, quelque instance que son père pût lui faire,

Alexis, au contraire, ne s’était marié que par ordre du czar, ne s’était point révolté, n’avait point levé de troupes, ne se retirait point chez un prince ennemi, et retourna aux pieds de son père sur la première lettre qu’il reçut de lui. Car dès que Pierre sut que son fils avait été à Vienne, qu’il s’était retiré dans le Tyrol, et ensuite à Naples, qui appartenait alors à l’empereur Charles VI, il dépêcha le capitaine aux gardes Romanzoff et le conseiller privé Tolstoy, chargés d’une lettre écrite de sa main, datée de Spa, du 21 juillet 1717, n. st. Ils trouvèrent le prince à Naples, dans le château Saint-Elme, et lui remirent la lettre ; elle était conçue en ces termes :

…… « Je vous écris pour la dernière fois, pour vous dire que vous ayez à exécuter ma volonté, que Tolstoy et Romanzoff vous annonceront de ma part. Si vous m’obéissez, je vous assure et je promets à Dieu que je ne vous punirai pas, et que si vous revenez, je vous aimerai plus que jamais ; mais que si vous ne le faites pas, je vous donne, comme père, en vertu du pouvoir que j’ai reçu de Dieu, ma malédiction éternelle ; et, comme votre souverain, je vous assure que je trouverai bien les moyens de vous punir ; en quoi j’espère que Dieu m’assistera, et qu’il prendra ma juste cause en main.

« Au reste, souvenez-vous que je ne vous ai violenté en rien. Avais-je besoin de vous laisser le libre choix du parti que vous voudriez prendre ? Si j’avais voulu vous forcer, n’avais-je pas en main la puissance ? Je n’avais qu’à commander, et j’aurais été obéi. »

Le vice-roi de Naples persuada aisément Alexis de retourner auprès de son père. C’était une preuve incontestable que l’empereur d’Allemagne ne voulait prendre avec ce jeune prince aucun engagement dont le czar eût à se plaindre. Alexis avait voyagé avec sa maîtresse Afrosine ; il revint avec elle.

On pouvait le considérer comme un jeune homme mal conseillé qui était allé à Vienne et à Naples au lieu d’aller à Copenhague. S’il n’avait fait que cette seule faute, commune à tant de jeunes gens, elle était bien pardonnable. Son père prenait Dieu à témoin que non-seulement il lui pardonnerait, mais qu’il l’aimerait plus que jamais. Alexis partit sur cette assurance ; mais par l’instruction des deux envoyés qui le ramenèrent, et par la lettre même du czar, il paraît que le père exigea que le fils déclarât