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CONSPIRATION DE GÖRTZ.


le ministre suédois Gyllenborg ; on saisit ses papiers, et on y trouve une partie de sa correspondance avec les jacobites.

Le roi George écrit incontinent[1] en Hollande ; il requiert que, suivant les traités qui lient l’Angleterre et les États-Généraux à leur sûreté commune, le baron de Görtz soit arrêté. Ce ministre, qui se faisait partout des créatures, fut averti de l’ordre ; il part incontinent : il était déjà dans Arnheim, sur les frontières, lorsque, les officiers et les gardes qui couraient après lui ayant fait une diligence peu commune en ce pays-là, il fut pris, ses papiers saisis, sa personne traitée durement ; le secrétaire Stamke, celui-là même qui avait contrefait le seing du duc de Holstein dans l’affaire de Tonninge, plus maltraité encore. Enfin le comte de Gyllenborg, envoyé de Suède en Angleterre, et le baron de Görtz, avec des lettres de ministre plénipotentiaire de Charles XII, furent interrogés, l’un à Londres, l’autre à Arnheim, comme des criminels. Tous les ministres des souverains crièrent à la violation du droit des gens.

Ce droit, qui est plus souvent réclamé que bien connu, et dont jamais l’étendue et les limites n’ont été fixées, a reçu dans tous les temps bien des atteintes. On a chassé plusieurs ministres des cours où ils résidaient ; on a plus d’une fois arrêté leurs personnes ; mais jamais encore on n’avait interrogé des ministres étrangers comme des sujets du pays. La cour de Londres et les États passèrent par-dessus toutes les règles à la vue du péril qui menaçait la maison d’Hanovre ; mais enfin, ce danger étant découvert, cessait d’être danger, du moins dans la conjoncture présente.

Il faut que l’historien Nordberg ait été bien mal informé, qu’il ait bien mal connu les hommes et les affaires, ou qu’il ait été bien aveuglé par la partialité, ou du moins bien gêné par sa cour, pour essayer de faire entendre que le roi de Suède n’était pas entré très avant dans le complot.

L’affront fait à ses ministres affermit en lui la résolution de tout tenter pour détrôner le roi d’Angleterre. Cependant il fallut qu’une fois en sa vie il usât de dissimulation, qu’il désavouât ses ministres auprès du régent de France, qui lui donnait un subside, et auprès des États-Généraux, qu’il voulait ménager : il fit moins de satisfaction au roi George. Görtz et Gyllenborg, ses ministres, furent retenus près de six mois, et ce long outrage confirma en lui tous ses desseins de vengeance.

Pierre, au milieu de tant d’alarmes et de tant de jalousies, ne

  1. Février 1717. (Note de Voltaire.)