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MARIAGE DE PIERRE AVEC CATHERINE.


dont on a imprimé des Mémoires sur la cour de Russie, dit, dans une lettre écrite à son maître, datée du 25 auguste 1711, que ce ce prince était grand et bien fait, qu’il ressemblait beaucoup à son père, qu’il avait le cœur bon, qu’il était plein de piété, qu’il avait lu cinq fois l’Écriture sainte, qu’il se plaisait fort à la lecture des anciennes histoires grecques ; il lui trouve l’esprit étendu et facile ; il dit que ce prince sait les mathématiques, qu’il entend bien la guerre, la navigation, la science de l’hydraulique, qu’il sait l’allemand, qu’il apprend le français ; mais que son père n’a jamais voulu qu’il fît ce qu’on appelle ses exercices ».

Voilà un portrait bien différent de celui que le czar lui-même fit quelque temps après de ce fils infortuné ; nous verrons avec quelle douleur son père lui reprocha tous les défauts contraires aux bonnes qualités que ce ministre admire en lui.

C’est à la postérité à décider entre un étranger qui peut juger légèrement ou flatter le caractère d’Alexis, et un père qui a cru devoir sacrifier les sentiments de la nature au bien de son empire. Si le ministre n’a pas mieux connu l’esprit d’Alexis que sa figure, son témoignage a peu de poids : il dit que ce prince était grand et bien fait ; les Mémoires que j’ai reçus de Pétersbourg disent qu’il n’était ni l’un ni l’autre.

Catherine, sa belle-mère, n’assista point à ce mariage : car, quoiqu’elle fût regardée comme czarine, elle n’était point reconnue solennellement en cette qualité, et le titre d’altesse qu’on lui donnait à la cour du czar lui laissait encore un rang trop équivoque pour qu’elle signât au contrat, et pour que le cérémonial allemand lui accordât une place convenable à sa dignité d’épouse du czar Pierre. Elle était alors à Thorn dans la Prusse polonaise. Le czar envoya d’abord[1] les deux nouveaux époux à Volfenbuttel, et reconduisit bientôt la czarine à Pétersbourg avec cette rapidité et cette simplicité d’appareil qu’il mettait dans tous ses voyages.

Ayant fait le mariage de son fils, il déclara plus solennellement le sien, et le célébra à Pétersbourg[2]. La cérémonie fut aussi auguste qu’on peut la rendre dans un pays nouvellement créé, dans un temps où les finances étaient dérangées par la guerre soutenue contre les Turcs, et par celle qu’on faisait encore au roi de Suède. Le czar ordonna seul la fête, et y travailla lui-même

    l’empire russien, sous le règne de Pierre le Grand, sont de 1721, et furent traduits en 1725. (G. A.)

  1. 9 janvier 1712. (Note de Voltaire.)
  2. 19 février 1712. (Id.)