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SUCCÈS DE CHARLES XII.


Calmoucks, furent tués trois jours après la bataille. Les troupes irrégulières des deux armées avaient accoutumé les généraux à ces cruautés : il ne s’en commit jamais de plus grandes dans les temps barbares. Le roi Stanislas m’a fait l’honneur de me dire que dans un de ces combats qu’on livrait si souvent en Pologne, un officier russe, qui avait été son ami, vint, après la défaite d’un corps qu’il commandait, se mettre sous sa protection, et que le général suédois Stenbock le tua, d’un coup de pistolet, entre ses bras.

Voilà quatre batailles perdues par les Russes contre les Suédois, sans compter les autres victoires de Charles XII en Pologne. Les troupes du czar, qui étaient dans Grodno, couraient risque d’essuyer une plus grande disgrâce, et d’être enveloppées de tous côtés ; il sut heureusement les rassembler, et même les augmenter ; il fallait à la fois pourvoir à la sûreté de cette armée et à celle de ses conquêtes dans l’Ingrie. Il fit marcher son armée sous le prince Menzikoff vers l’orient, et de là au midi, jusqu’à Kiovie.

Tandis qu’elle marchait[1], il se rend à Schlusselbourg, à Narva, à sa colonie de Pétersbourg, met tout en sûreté ; et des bords de la mer Baltique il court à ceux du Borysthène, pour rentrer par la Kiovie dans la Pologne, s’appliquant toujours à rendre inutiles les victoires de Charles XII, qu’il n’avait pu empêcher, préparant même déjà une conquête nouvelle : c’était celle de Vibourg, capitale de la Carélie, sur le golfe de Finlande. Il alla l’assiéger[2] ; mais cette fois elle résista à ses armes : les secours vinrent à propos, et il leva le siége. Son rival, Charles XII, ne faisait réellement aucune conquête en gagnant des batailles : il poursuivait alors le roi Auguste en Saxe, toujours plus occupé d’humilier ce prince et de l’accabler du poids de sa puissance et de sa gloire que du soin de reprendre l’Ingrie sur un ennemi vaincu qui la lui avait enlevée.

Il répandait la terreur dans la haute Pologne, en Silésie, en Saxe. Toute la famille du roi Auguste, sa mère, sa femme, son fils, les principales familles du pays, se retiraient dans le cœur de l’empire. Auguste implorait la paix ; il aimait mieux se mettre à la discrétion de son vainqueur que dans les bras de son protecteur. Il négociait un traité qui lui ôtait la couronne de Pologne, et qui le couvrait de confusion : ce traité était secret ; il fallait le cacher aux généraux du czar, avec lesquels il était alors comme

  1. Août. (Note de Voltaire.)
  2. Octobre. (Id.)