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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE XIII.


voir à quels ennemis le czar avait affaire, et de quelle nécessité avaient été pour lui ses efforts et sa discipline militaire.

Il distribua des médailles d’or aux officiers, et récompensa tous les soldats ; mais aussi il en fit punir quelques-uns qui avaient fui à un assaut : leurs camarades leur crachèrent au visage, et ensuite les arquebusèrent pour joindre la honte au supplice.

Notebourg fut réparé ; son nom fut changé en celui de Schlusselbourg, ville de la clef, parce que cette place est la clef de l’Ingrie et de la Finlande. Le premier gouverneur fut ce même Menzikoff qui était devenu un très-bon officier, et qui, s’étant signalé dans le siége, mérita cet honneur. Son exemple encourageait quiconque avait du mérite sans naissance.

Après cette campagne de 1702, le czar voulut que Sheremetof et tous les officiers qui s’étaient distingués entrassent en triomphe dans Moscou. Tous les prisonniers faits dans cette campagne marchèrent à la suite des vainqueurs[1] ; on portait devant eux les drapeaux et les étendards des Suédois, avec le pavillon de la frégate prise sur le lac Peipus. Pierre travailla lui-même aux préparatifs de la pompe, comme il avait travaillé aux entreprises qu’elle célébrait.

Ces solennités devaient inspirer l’émulation, sans quoi elles eussent été vaines. Charles les dédaignait, et depuis le jour de Narva il méprisait ses ennemis, et leurs efforts, et leurs triomphes.


CHAPITRE XIII.

RÉFORME À MOSCOU. NOUVEAU SUCCÈS. FONDATION DE PÉTERSBOURG. PIERRE PREND NARVA, ETC.

Le peu de séjour que le czar fit à Moscou, au commencement de l’hiver 1703, fut employé à faire exécuter tous ses nouveaux règlements, et à perfectionner le civil ainsi que le militaire ; ses divertissements même furent consacrés à faire goûter le nouveau genre de vie qu’il introduisait parmi ses sujets. C’est dans cette vue qu’il fit inviter tous les boïards et les dames aux noces d’un

  1. 17 décembre. (Note de Voltaire.)