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TRAITÉ AVEC LES CHINOIS.


On réformait peu à peu le grand abus du militaire, cette indépendance des boïards qui amenaient à l’armée les milices de leurs paysans : c’était le véritable gouvernement des Francs, des Huns, des Goths et des Vandales ; peuples vainqueurs de l’empire romain dans sa décadence, et qui eussent été exterminés s’ils avaient eu à combattre les anciennes légions romaines disciplinées, ou des armées telles que celles de nos jours.

Bientôt l’amiral Le Fort n’eut pas tout à fait un vain titre ; il fit construire par des Hollandais et des Vénitiens des barques longues, et même deux vaisseaux d’environ trente pièces de canon, à l’embouchure de la Veronise, qui se jette dans le Tanaïs ; ces vaisseaux pouvaient descendre le fleuve, et tenir en respect les Tartares de la Crimée. Les hostilités avec ces peuples se renouvelaient tous les jours. Le czar avait à choisir, en 1689, entre la Turquie, la Suède et la Chine, à qui il ferait la guerre. Il faut commencer par faire voir en quels termes il était avec la Chine, et quel fut le premier traité de paix que firent les Chinois.


CHAPITRE VII.
CONGRÈS ET TRAITÉ AVEC LES CHINOIS[1].

On doit d’abord se représenter quelles étaient les limites de l’empire chinois et de l’empire russe. Quand on est sorti de la Sibérie proprement dite, et qu’on a laissé loin au midi cent hordes de Tartares, Calmoucks blancs, Calmoucks noirs, Monguls mahométans, Monguls nommés idolâtres, on avance vers le 130e degré de longitude, et au 52e de latitude, sur le fleuve d’Amur ou d’Amour. Au nord de ce fleuve est une grande chaîne de montagnes qui s’étend jusqu’à la mer Glaciale par-delà le cercle polaire. Ce fleuve, qui coule l’espace de cinq cents lieues dans la Sibérie et dans la Tartarie chinoise, va se perdre après tant de détours dans la mer de Kamtschatka. On assure qu’à son embouchure dans cette mer

  1. Tiré des Mémoires envoyés de la Chine, de ceux de Pétersbourg, et des lettres rapportées dans l’Histoire de la Chine, compilée par Duhalde. (Note de Voltaire.)