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TITRE DE CZAR.


du trône, et troubla l’État presque toujours autant qu’elle le soutint. Ces strélitz étaient au nombre de quarante mille hommes. Ceux qui étaient dispersés dans les provinces subsistaient de brigandages ; ceux de Moscou vivaient en bourgeois, trafiquaient, ne servaient point, et poussaient à l’excès l’insolence. Pour établir l’ordre en Russie, il fallait les casser ; rien n’était ni plus nécessaire ni plus dangereux.

L’État ne possédait pas, au xviie siècle, cinq millions de roubles (environ vingt-cinq millions de France) de revenu. C’était assez quand Pierre parvint à la couronne, pour demeurer dans l’ancienne médiocrité : ce n’était pas le tiers de ce qu’il fallait pour en sortir et pour se rendre considérable en Europe ; mais aussi beaucoup d’impôts étaient payés en denrées, selon l’usage des Turcs : usage qui foule bien moins les peuples que celui de payer leurs tributs en argent.

TITRE DE CZAR.

Quant au titre de czar, il se peut qu’il vienne des tzars ou tchars du royaume de Casan. Quand le souverain de Russie, Jean ou Ivan Basilides, eut, au xvie siècle, conquis ce royaume, subjugué par son aïeul, mais perdu ensuite, il en prit le titre, qui est demeuré à ses successeurs. Avant Ivan Basilides, les maîtres de la Russie portaient le nom veliki knès (grand-prince, grand-seigneur, grand-chef) que les nations chrétiennes traduisent par celui de grand-duc. Le czar Michel Fédérovitz prit avec l’ambassade holstenoise les titres de grand-seigneur et grand-knès, conservateur de tous les Russes, prince de Vladimir, Moscou, Novogorod, etc. ; tzar de Casan, tzar d’Astracan, tzar de Sibérie. Ce nom des tzars était donc le titre de ces princes orientaux ; il était donc vraisemblable qu’ils dérivaient plutôt des Tshas de Perse que des Césars de Rome[1], dont probablement les tzars sibériens n’avaient jamais entendu parler sur les bords du fleuve Oby.

Un titre, quel qu’il soit, n’est rien, si ceux qui le portent ne sont grands par eux-mêmes. Le nom d’empereur, qui ne signifiait que général d’armée, devint le nom des maîtres de la répu-

  1. Il ne s’agit pas des césars de Rome, mais des empereurs de Constantinople. On voit dans la Correspondance que Voltaire ne voulut pas admettre sur ce point l’opinion de Schouvaloff.