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AVERTISSEMENT DE BEUCHOT.


les Russies que Pierre le Grand descendait en droite ligne. » C’est juste, dit Lomonossoff ; mais Pierre le Grand ne fut pas czar par la raison que son grand-père avait été patriarche. Voltaire n’a tenu aucun compte de cette critique ; mais il a fait son profit de toutes les autres, à en juger par celles qui sont conservées dans les journaux russes dont j’ai parlé.

Le volume de 1739 avait une préface divisée en six paragraphes. Le premier a été changé et divisé en deux : les autres forment à présent les paragraphes iii à vii de la Préface historique et critique.

L’ouvrage était en circulation depuis peu de temps, lorsqu’on vit paraître une Lettre du czar Pierre à M. de Voltaire sur son Histoire de Russie, 1761, in-12 de 39 pages. Ce pamphlet, sorti des presses de Dalles, à Toulouse, avait pour auteur La Beaumelle, qui depuis longtemps s’acharnait sur Voltaire, et qui, suivant son usage, remplit son écrit de passion et de personnalités.

Dans sa lettre à Schouvaloff, du 11 juin 1761, Voltaire accuse réception de Remarques sur le premier tome de l’Histoire de Russie. Ces remarques avaient été imprimées, en 1760 et 1761, dans les premier et deuxième volumes du Nouveau Magasin des sciences utiles, qui se publiait à Hambourg ; elles sont de Gérard-Frédéric Muller, né en 1705, mort en 1783[1]. Voltaire ne savait pas qui en était l’auteur ; mais à sa manière d’écrire certains noms, à sa prodigalité des s, c, k, h, il pensait que ce devait être un Allemand : il ne se trompait pas, comme on voit ; et, plus piqué que convaincu de ses critiques, il lui souhaitait plus d’esprit et moins de consonnes.

C’est probablement de la même main que sont les Observations extraites d’un journal de Hambourg, rapportées dans le Journal encyclopédique, du 1er décembre 1762, avec des notes qui semblent avoir été dictées par Voltaire. C’est à quelques-unes de ces observations que répondait Voltaire dans le passage qui fait partie de la note de la page 389.

La seconde partie de l’Histoire de Russie ne vit le jour qu’en 1763. L’auteur, pour la terminer, interrompit ses Commentaires sur Corneille. En tête de cette seconde partie était une préface intitulée Au lecteur, dont la partie conservée forme, depuis 1768, le paragraphe viii de la Préface historique et critique de Voltaire (voyez pages 389 et suivantes). J’ai mis en variante la partie qui avait été retranchée, lorsqu’en 1768 l’auteur fondit en une seule les deux préfaces de 1759 et 1763.

C’est dans la préface de 1763 (aujourd’hui paragraphe viii) qu’il est question de l’exil en Sibérie de Charles de Talleyrand, prince de Chalais. Voltaire discute et conteste l’ambassade auprès d’Ivan Basilovitz, dont on prétend que Charles de Talleyrand fut chargé. Malgré les justes raisonnements de Voltaire, cette fable a été répétée depuis. P.-C. Levesque, qui, auteur d’une Histoire de Russie, n’était pas fâché de prendre Voltaire en défaut, a lu, en 1796, à l’institut, un mémoire sur les anciennes relations de la France avec la Russie, et il fait tout son possible pour accréditer le

  1. C’est le même à qui est adressée la lettre latine qu’on trouvera dans la Correspondance, à la date du 28 juin 1746.