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HISTOIRE DE CHARLES XII.


elles ont quelquefois sauvé une république, mais elles ruinent presque sûrement une monarchie[1], car, les peuples manquant bientôt de confiance, le ministre est réduit à manquer de bonne foi : les monnaies idéales se multiplient avec excès, les particuliers enfouissent leur argent, et la machine se détruit avec une confusion accompagnée souvent des plus grands malheurs. C’est ce qui arriva au royaume de Suède.

Le baron de Görtz ayant d’abord répandu avec discrétion dans le public les nouvelles espèces fut entraîné en peu de temps au delà de ses mesures par la rapidité du mouvement, qu’il ne pouvait plus conduire. Toutes les marchandises et toutes les denrées ayant monté à un prix excessif, il fut forcé d’augmenter le nombre des espèces de cuivre. Plus elles se multiplièrent, plus elles furent décréditées ; la Suède, inondée de cette fausse monnaie, ne forma qu’un cri contre le baron de Görtz. Les peuples, toujours pleins de vénération pour Charles XII, n’osaient presque le haïr, et faisaient tomber le poids de leur aversion sur un ministre qui, comme étranger et comme gouvernant les finances, était doublement assuré de la haine publique.

Un impôt qu’il voulut mettre sur le clergé acheva de le rendre exécrable à la nation ; les prêtres, qui trop souvent joignent leur cause à celle de Dieu, l’appelèrent publiquement athée, parce qu’il leur demandait de l’argent. Les nouvelles espèces de cuivre avaient l’empreinte de quelques dieux de l’antiquité ; on en prit occasion d’appeler ces pièces de monnaie les dieux du baron de Görtz.

À la haine publique contre lui se joignit la jalousie des ministres, implacable à mesure qu’elle était alors impuissante. La sœur du roi, et le prince son mari, le craignaient comme un homme attaché par sa naissance au duc de Holstein, et capable de lui mettre un jour la couronne de Suède sur la tête. Il n’avait plu dans le royaume qu’à Charles XII ; mais cette aversion générale ne servait qu’à confirmer l’amitié du roi, dont les sentiments s’affermissaient toujours par les contradictions. Il marqua alors au baron une confiance qui allait jusqu’à la soumission : il lui laissa un pouvoir absolu dans le gouvernement intérieur du royaume, et s’en remit à lui sans réserve sur tout ce qui regardait les négociations avec le czar ; il lui recommanda surtout de presser les conférences de l’île d’Aland.

En effet, dès que Görtz eut achevé à Stockholm les arrange-

  1. Allusion aux actions du banquier Law. (G. A.)