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LA MÈRE ET LE FRÈRE DU ROI QUITTENT, ETC.


taine sous Henri III et sous Henri IV, fit non-seulement un décret contre Sanctarelli et contre toutes ces prétentions de Rome, mais ordonna que ce décret serait lu publiquement tous les ans. La cour ne permit pas cette clause, tant il paraissait encore important de ménager ce qu’on ne pouvait assez réprimer[1].



CHAPITRE L.

LA MÈRE ET LE FRÈRE DU ROI QUITTENT LE ROYAUME. CONDUITE DU PARLEMENT.

Le cardinal de Richelieu gouvernait la France despotiquement. Le hasard, qui est presque toujours l’origine des grandes fortunes, ou, pour parler plus juste, cette chaîne inconnue de tous les événements, qu’on appelle hasard, avait d’abord produit l’abbé de Chillon (Richelieu) auprès de Marie de Médicis pendant sa régence. Elle le fit évêque de Luçon, secrétaire d’État, et surintendant de sa maison. Ensuite, ayant partagé les persécutions qu’essuya cette reine après les meurtres du maréchal d’Ancre et de sa femme, il obtint, par sa protection, la dignité de cardinal, et enfin une place au conseil.

Dès qu’il eut affermi son autorité, il ne souffrit pas que sa bienfaitrice la partageât, et dès lors elle devint son ennemie.

Louis XIII, faible, malade, nullement instruit, incapable de travail, ne pouvant se passer de premier ministre, fut obligé de choisir entre sa mère et le cardinal. Sa mère, plus faite pour les intrigues que pour les affaires, plus jalouse de son crédit qu’habile à le conserver, faible et opiniâtre comme son fils, mais plus inconstante encore, plus gouvernée, inquiète, inhabile, ne pouvant pas même régir sa maison, était bien loin de pouvoir régir un royaume. Richelieu était ingrat, ambitieux, tyrannique ; mais il avait rendu de très-grands services. Louis XIII sentait combien

  1. « Il y a certains abus, disait Richelieu, qu’on abolit plus aisément en les tolérant qu’en les voulant détruire ouvertement... Il faut réduire les jésuites en tel état qu’ils ne puissent nuire par puissance, mais tel aussi qu’ils ne se portent pas à le faire par désespoir. »