Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
CHAPITRE XLIX.


traités par Richelieu, recommençaient encore la guerre. Le roi fut obligé d’aller lui-même au palais faire vérifier des édits bursaux. On consultait souvent dans ces édits plutôt la nécessité pressante que la proportion égale des impôts, et l’utilité du peuple. L’avocat général Servin fut frappé de mort subite en prononçant sa harangue au roi : « Vous acquérez, disait-il, une gloire plus solide en gagnant le cœur de vos sujets qu’en domptant vos ennemis. » À ces dernières paroles la voix lui manqua, une apoplexie le saisit, et on l’emporta expirant.

Le jésuite d’Avrigny, auteur des Mémoires chronologiques, d’ailleurs exacts et curieux, prétend qu’il mourut en parlant contre les jésuites dans une affaire qui survint immédiatement après.

Il était toujours question de cet horrible système de la puissance du pape sur les rois et sur les peuples. Il semblait que le sang de Henri IV eût fait renaître les têtes de cette hydre. Sanctarelli, jésuite italien, publia cette doctrine dans un nouveau livre approuvé par Vitelleschi, général de cet ordre, et dédié au cardinal de Savoie[1]. Jamais on ne s’était exprimé d’une manière si révoltante. Le livre fut brûlé à Paris selon l’usage[2] ; mais ces exécutions ne produisant rien, il fut agité dans le parlement si on chasserait les jésuites une seconde fois. Il ordonne au provincial, à trois recteurs et à trois profès de comparaître le lendemain. Ils arrivent au milieu du peuple, indigné, qui bordait les avenues du palais. Le jésuite Cotton, alors provincial, porte la parole. On lui demande s’il croit que le pape puisse excommunier et déposséder le roi de France. « Ah ! répondit-il, le roi est fils aîné de l’Église, il ne fera jamais rien qui oblige le pape à en venir à cette extrémité. — Mais, lui dit le premier président, ne pensez-vous pas comme votre père général, qui attribue au pape cette puissance ? — Ah ! notre père général suit les opinions de Rome, où il est, et nous celles de France, où nous sommes. — Et si vous étiez à Rome, que feriez-vous ? — Nous ferions comme les autres. » Ces réponses pouvaient attirer aux jésuites l’abolition de leur ordre en France : ils en furent quittes pour signer quatre propositions concernant les libertés de l’Église gallicane, ou plutôt de toute Église, qui sont en partie celles que nous verrons en 1682. Le roi défendit au parlement de passer outre.

La Sorbonne, redevenue française après avoir été ultramon-

  1. Son livre est intitulé Antonii Sanctarelli tractatus de hœresi, schismate, apostasia, sollicitatione in sacramento pœnitentiœ, etc., et de potestate romani pontificis in his delictis puniendis, Rome, Zanetti, 1025, in-4°. (B.)
  2. 13 mars 1626. (Note de Voltaire.)