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LIVRE SIXIÈME.

ARGUMENT.

Intrigues à la Porte-Ottomane. Le kan des Tartares et le bacha de Bender veulent forcer Charles de partir. Il se défend avec quarante domestiques contre une armée. Il est pris et traité en prisonnier.

La fortune du roi de Suède, si changée de ce qu’elle avait été, le persécutait dans les moindres choses : il trouva, à son retour, son petit camp de Bender et tout le logement inondés des eaux du Niester ; il se retira à quelques milles, près d’un village nommé Varnitza, et, comme s’il eût eu un secret pressentiment de ce qui devait lui arriver, il fit bâtir en cet endroit une large maison de pierre, capable, en un besoin, de soutenir quelques heures un assaut. Il la meubla même magnifiquement, contre sa coutume, pour imposer plus de respect aux Turcs.

Il en construisit aussi deux autres, l’une pour sa chancellerie, l’autre pour son favori Grothusen, qui tenait une de ses tables. Tandis que le roi bâtissait ainsi près de Bender, comme s’il eût voulu rester toujours en Turquie, Baltagi Mehemet, craignant plus que jamais les intrigues et les plaintes de ce prince à la Porte, avait envoyé le résident de l’empereur d’Allemagne demander lui-même à Vienne un passage pour le roi de Suède par les terres héréditaires de la maison d’Autriche. Cet envoyé avait rapporté en trois semaines de temps une promesse de la régence impériale de rendre à Charles XII les honneurs qui lui étaient dus, et de le conduire en toute sûreté en Poméranie.

On s’était adressé à cette régence de Vienne, parce qu’alors l’empereur d’Allemagne Charles, successeur de Joseph Ier, était en Espagne, où il disputait la couronne à Philippe V. Pendant que l’envoyé allemand exécutait à Vienne cette commission, le grand vizir envoya trois bachas au roi de Suède pour lui signifier qu’il fallait quitter les terres de l’empire turc.