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HISTOIRE DE CHARLES XII.


La bataille de Pultava fut d’abord le signal d’une révolution dans la Pologne. Le roi Auguste y retourna, protestant contre son abdication, contre la paix d’Alt-Rantstadt, et accusant publiquement de brigandage et de barbarie Charles XII, qu’il ne craignait plus. Il mit en prison Fingsten et Imhof, ses plénipotentiaires, qui avaient signé son abdication, comme s’ils avaient en cela passé leurs ordres et trahi leur maître. Ses troupes saxonnes, qui avaient été le prétexte de son détrônement, le ramenèrent à Varsovie accompagné de la plupart des palatins polonais qui, lui ayant autrefois juré fidélité, avaient fait depuis les mêmes serments à Stanislas, et revenaient en faire de nouveaux à Auguste. Siniawski même rentra dans son parti, et, perdant l’idée de se faire roi, se contenta de rester grand-général de la couronne. Flemming, son premier ministre, qui avait été obligé de quitter pour un temps la Saxe, de peur d’être livré avec Patkul, contribua alors par son adresse à ramener à son maître une grande partie de la noblesse polonaise.

Le pape releva ses peuples du serment de fidélité qu’ils avaient fait à Stanislas. Cette démarche du saint-père faite à propos, et appuyée des forces d’Auguste, fut d’un assez grand poids : elle affermit le crédit de la cour de Rome en Pologne, où l’on n’avait nulle envie de contester alors aux premiers pontifes le droit chimérique de se mêler du temporel des rois. Chacun retournait volontiers sous la domination d’Auguste, et recevait sans répugnance une absolution inutile, que le nonce ne manqua pas de faire valoir comme nécessaire.

La puissance de Charles et la grandeur de la Suède touchèrent alors à leur dernier période. Plus de dix têtes couronnées voyaient depuis longtemps avec crainte et avec envie la domination suédoise s’étendant loin de ses bornes naturelles, au delà de la mer Baltique, depuis la Duna jusqu’à l’Elbe. La chute de Charles et son absence réveillèrent les intérêts et les jalousies de tous ces princes, assoupies longtemps par des traités et par l’impuissance de les rompre.

Le czar, plus puissant qu’eux tous ensemble, profitant de la victoire, prit Vibourg et toute la Carélie, inonda la Finlande de troupes, mit le siége devant Riga, et envoya un corps d’armée en Pologne pour aider Auguste à remonter sur le trône. Cet empereur était alors ce que Charles avait été autrefois, l’arbitre de la Pologne et du Nord ; mais il ne consultait que ses intérêts, au lieu que Charles n’avait jamais écouté que ses idées de vengeance et de gloire. Le monarque suédois avait secouru ses alliés et accablé